Marie
du
Temple ne s’était attardée dans Sepphoris que le temps de soigner la blessure
du percepteur.
— Avez-vous
vu mon père ? demanda Miryem.
— On
ne pouvait pas. On est restés à l’écart. Les mercenaires étaient mauvais. Mais
ce qui est sûr, c’est qu’il est resté dans la charrette. Comme le soleil tapait
dur, il devait avoir une soif terrible. Les gens de Sepphoris non plus ne
pouvaient pas approcher. Pas question de lui tendre une gourde, je vous jure.
Hannah
gémit. Elle murmura le nom de Joachim plusieurs fois, tandis que chacun
baissait la tête.
— Après,
ils ont allongé le percepteur blessé dans une autre charrette et ils ont filé
bon train hors de la ville. Dans la direction de Cana, assurèrent les bergers.
— Ils
vont à Tarichée ! s’exclama un voisin. S’ils s’en étaient retournés à
Jérusalem, ils auraient pris la route de Tabor.
Ce que nul
n’ignorait. Un silence pesant s’installa.
Maintenant,
les mots d’Hannah leur tournaient dans la tête. Oui, à quoi cela leur
servait-il de savoir Joachim en route pour la forteresse de Tarichée ?
— Au
moins, soupira une voisine, répondant aux préoccupations de tous, cela signifie
qu’ils ne vont pas le lier tout de suite sur une croix.
— Demain
ou après-demain, qu’est-ce que cela change ? grommela Lysanias. Joachim
endurera ses douleurs plus longtemps, c’est tout.
Chacun
s’imaginait la forteresse. Un monstre de pierre datant du temps béni du roi
David, mais qu’Hérode avait fait agrandir et renforcer, prétendument pour
défendre Israël contre les Nabatéens, les ennemis du désert de l’est.
En vérité,
depuis des lustres la forteresse servait à emprisonner des centaines
d’innocents, riches et pauvres, savants et illettrés. Tous ceux qui
déplaisaient au roi. Une rumeur, un ragot malveillant, les manœuvres d’une vile
vengeance suffisaient pour que l’on y croupisse. Le plus souvent pour n’en plus
jamais ressortir ou pour finir sur la forêt de pieux qui l’entourait.
Désormais,
visiter Tarichée était une douleur, malgré la grande beauté des rives du lac
Génézareth. Nul ne pouvait échapper au spectacle des suppliciés. Certains
assuraient que, la nuit, leurs gémissements résonnaient à la surface des eaux
tels des cris montés de l’enfer. À vous dresser les cheveux sur la tête. Les
pêcheurs eux-mêmes, bien que la rive proche de la forteresse fût plus
poissonneuse que les autres, n’osaient plus s’en approcher.
Mais alors
que l’effroi rendait chacun muet, Miryem prononça d’une voix nette, sans
hésitation :
— Je
pars pour Tarichée. Je ne laisserai pas mon père pourrir dans la forteresse.
Les fronts
se relevèrent. Le brouhaha des protestions fut aussi bruyant que le silence
avait été profond l’instant d’avant.
Miryem
déraisonnait. Elle ne devait pas se laisser abuser par la douleur. Comment
pourrait-elle tirer son père des geôles de Tarichée ? Oubliait-elle
qu’elle n’était qu’une fille ? Quinze ans à peine, encore si jeune qu’on
ne l’avait pas mariée. Même si elle en paraissait davantage et que son père
avait l’habitude, peut-être pas si bonne, de la considérer comme une femme de
raison et de sagesse. Elle n’était qu’une fille, pas une faiseuse de miracles.
— Je
ne songe pas à aller seule à Tarichée, annonça-t-elle quand le calme fut
revenu. Je vais réclamer l’aide de Barabbas.
— Barabbas
le voleur ?
A nouveau
s’éleva un concert de protestations.
Cette
fois, après avoir échangé un regard avec Miryem, Halva, la jeune épouse de
Yossef, un charpentier ami de Joachim, déclara, en surmontant le vacarme :
— À
Sepphoris, on dit qu’il ne vole pas pour lui mais pour donner à ceux qui sont
dans le besoin. On raconte qu’il fait plus de bien que de mal et que ceux
qu’ils volent l’ont bien mérité.
Des hommes
l’interrompirent sèchement. Comment pouvait-on parler ainsi ? Un voleur
était un voleur.
— La
vérité, c’est que ces méchants larrons attirent les mercenaires d’Hérode dans
nos villages comme les mouches sur une plaie !
Miryem
haussa les épaules.
— Comme
vous prétendez que mon père va attirer la vengeance des mercenaires sur
Nazareth ! lança-t-elle durement. Ce qui compte, c’est qu’ils ont beau
faire la chasse à Barabbas, ils ne l’attrapent jamais. Si quelqu’un est capable
de sauver mon père, c’est lui.
Lysanias
secoua la
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