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Marie

Marie

Titel: Marie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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donné le courage de prononcer
le nom de Barabbas. Mais, chaque fois, elle trouvait une raison pour baisser
les paupières et ne pas s’attarder. Outre qu’elle n’osait les dévisager, afin
de ne pas paraître effrontée, les uns et les autres lui semblaient bien loin de
savoir où se trouvait un bandit recherché par Rome et par les mercenaires du
roi.
    Sans autre
choix que de s’en remettre à la bonne volonté du Tout-Puissant, elle s’enfonça
dans des ruelles de plus en plus bruyantes et populeuses.
    Après
s’être écartée d’un groupe d’hommes sortant d’une petite synagogue élevée entre
deux grands figuiers, elle s’aventura dans une venelle juste assez large pour
que l’on puisse s’y croiser. En contrebas du chemin de terre battue, pareille à
une gueule béante surgit l’antre d’un savetier. Elle sursauta lorsqu’un
apprenti agita soudain vers elle de longues lianes de cordes. Des rires la
poursuivirent tandis qu’elle courait presque jusqu’à l’extrémité du boyau, qui
allait en se rétrécissant et paraissait vouloir se refermer sur elle.
    Il
débouchait sur un terrain vague, souillé de détritus et recouvert de mauvaises
herbes. Des flaques d’eau croupies stagnaient ici et là. Des poules et des
dindons s’écartèrent à peine quand elle s’avança. Les murs clôturant la place
n’avaient plus été chaulés depuis longtemps. Sur les façades des masures, rares
étaient les ouvertures comportant des volets. Attaché au tronc d’un arbre mort
transformé en pieu, un âne au poil crasseux tourna sa grosse tête vers elle.
Son braiment résonna, inquiétant comme une trompe d’alarme.
    Miryem
jeta un regard derrière elle, hésitant à rebrousser chemin, à s’enfoncer dans
la ruelle et à subir une nouvelle fois les quolibets des apprentis. De l’autre
côté du terrain vague, en face d’elle, se devinaient deux rues qui pouvaient
peut-être la reconduire vers le cœur de la ville. Elle progressa, scrutant le
sol devant elle pour éviter les flaques et les ordures. Elle ne les vit pas
apparaître. Seul le soudain caquetage de poules dérangées lui fit relever la
tête.
    Elle eut
l’impression qu’ils sortaient du sol fangeux. Une dizaine de gosses
dépenaillés, les cheveux hirsutes, la morve au nez et l’œil rusé. Le plus âgé
ne devait pas avoir plus de onze ou douze ans. Ils étaient tous pieds nus, avec
des joues creuses aussi noires de crasse que leurs mains. Des garçons si mal
nourris que des dents leur manquaient déjà. Des am-ha-aretz, comme les
qualifiaient avec mépris ceux de Judée. Des ignorants, des culs-terreux, des
bouseux, des damnés de la terre. Des fils d’esclaves, des fils de personne qui
ne seraient jamais eux-mêmes, dans le grand royaume d’Israël, que des esclaves.
Des am-ha-aretz, des pauvres parmi les pauvres.
    Miryem
s’immobilisa, le visage en feu. Le cœur battant et la tête pleine des histoires
monstrueuses que l’on racontait sur ces gamins. Comment ils vous attaquaient,
petits fauves en meute. Comment ils vous dépouillaient, vous violentaient. Et
même, disait-on avec les délices de la peur et de la haine, comment ils vous
mangeaient.
    L’endroit,
elle devait en convenir, était parfait pour qu’ils puissent accomplir ces
horreurs sans crainte d’être dérangés.
    Ils marquèrent
le pas à leur tour. Dans leurs grimaces, la prudence se mêlait au plaisir de
deviner sa peur.
    Ayant vite
jugé qu’ils ne risquaient rien, ils bondirent vers elle. Pareils à des chiens
sournois, ils l’entourèrent, sautillants, goguenards, grognant des moqueries,
la bouche ouverte sur des petits crocs affamés, se poussant du coude en
pointant de leurs doigts dégoûtants la belle étoffe de son manteau.
    Miryem eut
honte. Elle s’en voulut de sa crainte, de son cœur qui battait la chamade, de
ses paumes moites. Elle se souvint de ce que Joachim, son père, lui avait dit
une fois : « Rien de ce que l’on colporte sur les am-ha-aretz n’est
vrai. On se moque d’eux parce qu’ils sont plus pauvres que les pauvres. C’est
là leur seul vice et leur unique méchanceté. » Elle s’efforça de leur
sourire.
    Ils
répondirent par les pires grimaces. Ils agitèrent leurs mains crasseuses en des
gestes obscènes.
    Peut-être
son père avait-il raison. Mais Joachim était bon et voulait voir le bien
partout. Et, bien sûr, il n’avait jamais été à la place d’une jeune fille
entourée par une meute de ces démons.
    Elle

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