Marie
déplacer comme bon nous semble.
Tous le
dévisagèrent, stupéfaits.
— N’y
a-t-il pas une maison sûre dans le village ? demanda-t-il à Joachim et à
Miryem.
Joachim
secoua la tête.
— Non,
non, ce serait de la folie…
— Mais
si, père ! s’exclama Miryem. Yossef et Halva nous ouvriront leur porte
sans hésiter !
— Tu
ne te rends pas compte du danger, ma fille.
— Je
suis certaine que Yossef sera fier de t’aider. Il sait tout ce qu’il te doit et
il t’aime. Leur maison est loin du village, tout au bout de la vallée. On ne
peut nous y prendre par surprise.
— On
fera le guet, père Joachim. En route, je rameuterai mes copains. On sera tous
là. Tu verras, personne ne pourra approcher la maison de ce Yossef sans qu’on
le sache. Demande à Miryem, c’est nous qui gardons les caches de Barabbas. On
sait y faire.
Miryem
sourit au souvenir de son accueil dans Sepphoris, mais Joachim ne se laissa pas
convaincre. Son refus renfrogna Barabbas et gâcha la joie d’Abdias.
*
* *
Ce n’est
que le soir, après être restée longtemps silencieuse, que Miryem dit doucement
à son père :
— Je
sais que tu es très inquiet pour mère. Tu veux la serrer dans tes bras, et moi
aussi. Allons chez Yossef et Halva, même pour peu de temps. Ensuite, nous
déciderons.
— Décider
quoi, ma fille ? Tu sais bien que jamais je ne pourrai retourner dans mon
atelier et monter une charpente avec Lysanias. Si Dieu veut qu’il soit encore
en vie !
— Ça,
c’est vrai, grommela Barabbas. Maintenant, tu es dans le même bain que moi.
Oublie ta charpente, Joachim. C’est la révolte de la Galilée contre Hérode que
nous devons bâtir ensemble.
— Rien
que ça ?
— Tu
as entendu Abdias. Tout le monde est heureux que nous ayons damé le pion aux
mercenaires d’Hérode et aux charognards du sanhédrin. Regarde autour de toi,
Joachim. Les habitants de ce village se sont démenés pour te soigner parce que
tu étais sur la croix et que c’était pure injustice. Le pêcheur qui a fait le
coup avec nous a refusé une bourse d’or. Il était trop fier de s’être battu à
nos côtés. Ce sont des signes. Nous avons montré à ceux de Galilée que les
mercenaires n’étaient que des imbéciles. Il faut continuer. Et en grand, pour
vaincre la peur d’Israël !
— Comme
tu y vas. Tout ça avec tes cinquante compagnons et des gosses ?
— Non.
Tout ça en entraînant ceux qui n’en peuvent plus. En leur donnant le goût du
courage. Nous t’avons tiré de la croix, toi et d’autres malheureux. On peut le
faire ailleurs, y compris à Jérusalem. On peut harceler les mercenaires. On
peut se battre et montrer que l’on gagne…
Joachim
grimaça amèrement.
— Barabbas,
tu parles d’une révolte comme d’un instant de mauvaise humeur. Crois-tu que
moi, ou quantité d’autres qui pensent comme moi, n’y ont jamais réfléchi ?
Barabbas
sourit de toutes ses dents.
— Tu
vois, tu le dis : il y a quantité d’autres qui ne supportent plus Hérode.
— J’en
connais, c’est vrai. Mais ne crois pas qu’ils te suivront. Ce sont des sages,
pas des fous.
— C’est
un fou que ta fille est allée chercher pour te sauver, Joachim, pas tes sages
amis.
— Si
une révolte n’emporte pas l’adhésion du pays entier, s’irrita Joachim, elle
aboutit à un massacre. Hérode a le poing large et rapide. Le sanhédrin est à sa
botte et tient les rabbins. Son poing est plus petit que celui d’Hérode, mais
pas moins efficace.
— Toujours
la même excuse, maugréa Barabbas. Une excuse de lâche.
— Ne
prononce pas des mots pareils ! Il y a autant de courage à subir
l’injustice qu’à se battre en vain. Et quand bien même tu arriverais à soulever
la Galilée, cela ne te mènerait à rien. Il faudrait soulever Jérusalem, la
Judée, Israël tout entier.
— Eh
bien, allons-y, ne perdons pas de temps !
— Barabbas
n’a pas tout à fait tort, père, intervint Miryem avec calme. A quoi bon
attendre le prochain coup des mercenaires ? La prochaine visite des
percepteurs ? Pourquoi toujours se laisser humilier ? Quel bienfait
peut en découler ?
— Ah !
Voilà que tu penses comme lui ?
— Il
dit juste : les gens sont las de se soumettre. Et fiers que tu n’aies pas
laissé les percepteurs voler le candélabre de la vieille Houlda. Ton courage
est un exemple.
— Un
exemple inutile comme un coup de sang, tu devrais dire.
— Ne
te fais pas plus
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