Marie
reconnaissance.
Pour toute
réponse, Mariamne se laissa couler sous l’eau. Avec une aisance de naïade, elle
nagea le long de la rive. Son corps nu ondoya avec grâce sur le fond vert du
lac.
L’impudeur
même de Mariamne était belle. Ainsi peut-être qu’avait pu l’être celle de
Judith, qui avait déclaré à la face de tous : « Écoutez-moi ! Je
vais accomplir quelque chose dont le souvenir se transmettra de génération en
génération dans notre peuple. » Et qui l’avait accompli si bien que Dieu
avait sauvé le peuple d’Israël de la tyrannie d’Holopherne l’Assyrien.
Mais
aujourd’hui, qui saurait être Judith ? La beauté d’une femme, si extraordinaire
soit-elle, n’apaiserait pas les démons qui œuvraient dans les palais
d’Hérode !
Dans un
crissement liquide, le visage de Mariamne surgit brusquement à la surface du
lac. La jeune fille jaillit hors de l’eau, bondit sur la rive. Avant que Miryem
ne réagisse, elle se jeta sur elle avec un grognement de fauve.
Criant et
riant, elles roulèrent sur l’herbe, enlacées, luttant. De toutes ses forces
Mariamne tentait d’entraîner Miryem dans l’eau, son corps nu trempant la
tunique de son amie.
À bout de
souffle, secouées par le rire, leurs doigts entrecroisés, elles se laissèrent
aller sur le dos. Miryem attira la main de Mariamne pour l’embrasser.
— Quelle
folle tu fais ! Regarde l’état de ma tunique !
— C’est
bien fait pour toi. Tu n’avais qu’à venir nager…
— Je
n’aime pas l’eau autant que toi… Tu le sais bien.
— Tu
es surtout trop sérieuse.
— Il
n’est pas difficile d’être plus sérieuse que toi.
— Allons !
Tu n’es pas obligée d’être aussi silencieuse. Ni aussi triste. Toujours à
penser à on ne sait quoi. Ces derniers temps, c’est pire que jamais. Avant, on
s’amusait ensemble… Tu pourrais être aussi joyeuse que moi, mais tu ne le veux
pas.
Mariamne
se redressa sur un coude et posa l’index sur le front de Miryem.
— Tu
as un pli qui se forme entre les sourcils. Ici ! Certains jours je le vois
dès le matin. Continue et tu auras bientôt des rides, comme une vieille.
Miryem ne
répliqua pas. Elles demeurèrent silencieuses un instant. Mariamne fit une
grimace et demanda dans un murmure inquiet :
— Tu
es fâchée ?
— Bien
sûr que non.
— Je
t’aime tellement. Je ne veux pas que tu sois triste à cause de mes bêtises.
Miryem lui
répondit, baissant les yeux avec douceur :
— Je
ne suis pas triste, puisque tu dis la vérité. Je suis « Miryem de Nazareth
la sérieuse ». Tout le monde le sait.
Mariamne
roula sur le côté, frissonnante sous la brise. Avec la souplesse d’un jeune
animal, elle se nicha dans les bras de Miryem pour se réchauffer.
— C’est
vrai : les amies de ma mère t’appellent ainsi. Elles se trompent. Elles ne
te connaissent pas comme je te connais. Tu es sérieuse, mais d’une drôle de
manière. En fait, tu ne fais rien comme les autres. Pour toi, tout est si
important. Même dormir et respirer, tu ne le fais pas comme nous.
Les
paupières closes, heureuse de sentir leurs corps qui se réchauffaient l’un
l’autre, Miryem ne répliqua pas.
— Et
tu ne m’aimes pas autant que je t’aime, je le sais aussi, reprit Mariamne.
Quand tu partiras, car tu partiras de cette maison, je t’aimerai encore. Toi,
on ne sait pas.
La
surprise s’empara de Miryem. Mariamne avait-elle deviné ses pensées ? Mais
avant qu’elle puisse répondre, Mariamne se redressait brutalement, serrant sa
main avec force.
— Écoute !
Le
grondement des roues d’un char résonnait près de la maison.
— Ma
mère est de retour !
Mariamne
se leva d’un bond. Sans se soucier des perles d’eau qui constellaient encore sa
peau, elle attrapa sa tunique suspendue aux branches d’un tamaris et l’enfila,
courant à la rencontre de sa mère.
*
* *
Déjà, les
servantes aidaient Rachel à descendre du char de voyage. Fermé et bâché de
grosse toile verte, il nécessitait un attelage de quatre mules que seul savait
mener Rekab, le cocher et unique serviteur mâle de la maison.
Mariamne
se précipita pour embrasser sa mère avec effusion.
— Je
savais que tu serais de retour pour mon anniversaire !
Rachel,
qui était un peu plus grande que sa fille et dont les rondeurs de l’âge étaient
dissimulées sous l’élégance simple d’une tunique à franges brodées, lui
répondit avec tendresse.
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