Marie
chemin de mon retour.
Un frisson
d’angoisse courut sur la nuque de Miryem. Elle se raidit. Rachel perçut son
inquiétude et secoua la tête.
— Non,
je n’apporte pas de mauvaises nouvelles… au contraire. On raconte qu’il a levé
une bande de plus de cinq cents ou six cents brigands. Et qu’il s’est allié
avec un autre bandit…
— Matthias,
sûrement, murmura Miryem.
— Je
n’ai pas appris son nom, mais à eux deux ils réunissent un bon millier de
combattants. On dit qu’ils ont mis la cavalerie en déroute deux ou trois fois,
en profitant de ce qu’Hérode, dans sa démence, a emprisonné ses propres
généraux.
Miryem
souriait. Plus qu’elle n’aurait aimé le reconnaître, elle était soulagée,
heureuse, et même envieuse.
— Oui,
reprit Rachel en répondant à son sourire, il est agréable d’entendre ça. Bien
sûr, dans Césarée ou Tarichée, et même à Sepphoris, certains craignent pour
leurs richesses. Ils crient au « brigand », au « vaurien »,
traitent Barabbas de « suppôt de la terreur ». Mais on m’a assuré que
les braves villageois de Galilée chantaient et priaient pour lui. Et qu’il
trouve toujours un moyen de se cacher parmi eux quand il le doit. C’est bien…
Elle se
tut, le regard perdu.
— Je
vais partir, déclara soudain Miryem.
— Tu
veux le rejoindre ? fit aussitôt Rachel. Oui, bien sûr. Je m’en suis
doutée dès l’instant où j’ai entendu ces nouvelles.
— J’étais
décidée à partir avant de t’entendre. Je voulais attendre ton retour et
l’anniversaire de Mariamne.
— Elle
va être malheureuse sans toi.
— Nous
nous reverrons.
— Bien
sûr…
Les yeux
de Rachel brillaient.
— Je
vous aime de tout mon cœur toutes les deux, poursuivit Miryem d’une voix mal
assurée. J’ai passé dans cette maison des moments que jamais je n’oublierai.
J’ai tant appris de toi…
— Mais
il est temps que tu partes, l’interrompit Rachel sans amertume. Oui, je comprends.
— Mon
esprit n’est plus en paix. Je me réveille la nuit et me répète que je ne
devrais pas dormir. N’en sais-je pas assez, maintenant ? Ici, je suis
bien, j’apprends et je reçois tant de choses, ton amour et celui de Mariamne…
mais je donne si peu en échange !
Rachel lui
enlaça tendrement les épaules en secouant la tête.
— Ne
crois pas cela. Ta présence est un don, dont Mariamne et moi saurions nous
contenter. Mais je comprends ce que tu ressens.
Elles
demeurèrent silencieuses, unies par la même tristesse et la même affection.
— Il
est temps qu’il advienne quelque chose, mais comment ? Nous ignorons ce
que nous voulons. Parfois, il me semble qu’un mur se dresse devant nous, chaque
jour plus haut, plus infranchissable. Les mots, les livres, même nos pensées
les plus justes paraissent l’épaissir. Tu as raison de repartir dans le monde.
Vas-tu rejoindre Barabbas ?
— Non.
Je doute qu’il ait besoin de moi pour se battre.
— Peut-être
nous trompons-nous et a-t-il raison ? Peut-être l’heure de la révolte
a-t-elle sonné ?
Miryem
hésita avant d’annoncer :
— Je
n’ai pas de nouvelles de mon père et de ma mère depuis longtemps. Je vais les
retrouver. Ensuite…
— Accorde-nous
encore la journée de demain. Que Mariamne puisse te faire de vrais adieux. Tu
pourras emprunter mon char de voyage…
Miryem
voulut protester. Rachel posa la pointe de ses doigts sur ses lèvres.
— Non,
laisse-moi t’offrir cette aide. Les routes ne sont pas si sûres qu’une jeune
fille puisse s’y aventurer seule.
10.
La nuit suivante, comme tant d’autres auparavant, Miryem se
réveilla au cœur de l’obscurité. Elle ouvrit les yeux. Près d’elle, Mariamne
dormait, la respiration régulière. Une fois encore, elle envia le sommeil
paisible de son amie.
Pourquoi, à peine ouvrait-elle les paupières, était-elle
saisie par le sentiment coupable de n’avoir pas droit au
repos ? L’angoisse l’oppressait. Il lui semblait qu’on avait glissé un
chiffon mouillé dans sa gorge.
Elle
regrettait d’avoir promis à Rachel de demeurer une journée de plus à Magdala.
Il aurait mieux valu prendre le chemin de Nazareth ou de Jotapata dès les
premières lueurs de l’aube nouvelle.
Silencieuse,
elle quitta sa couche. Dans la pièce suivante, elle contourna le lit où
dormaient deux servantes pour atteindre le grand vestibule.
Pieds nus,
un châle épais jeté sur sa tunique, elle
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