Marie
Damas,
entouré de champs et de vergers, le village se limitait à quelques bâtisses en
pierre badigeonnées de blanc. Les toits plats étaient couverts de vigne. Dénués
de fenêtres côté extérieur, les murs se refermaient sur des cours. La maison
devant laquelle ils s’arrêtèrent ne possédait qu’une seule grande porte de
bois, peinte de couleur bleue. Un huis, tout juste assez grand pour un enfant,
permettait le passage sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir la porte largement.
Un marteau de bronze l’ornait.
Après
avoir immobilisé l’attelage, Rekab descendit et alla frapper le marteau. Il
attendit et, comme nul ne venait, il frappa plus fort. Pas davantage de
réponse. Il crut qu’on ne lui ouvrirait pas. Comme le ciel était déjà rouge et
la nuit toute proche, ce n’était guère étonnant.
Il s’en
retournait vers le char, soucieux d’annoncer la nouvelle à Miryem, quand l’huis
s’entrebâilla. Un jeune essénien aux cheveux rasés, vêtu d’une tunique blanche,
passa la tête et afficha un visage suspicieux. L’heure était à la prière et non
plus aux visites, indiqua-t-il. Il fallait attendre le lendemain pour que l’on
dispense des soins dans la maison.
Rekab
bondit. Il retint l’huis avant que le garçon ne le referme. L’autre commença à
protester. D’un geste sans douceur, Rekab l’agrippa par la tunique et le tira
de force jusqu’au char. Il en souleva la tenture. Le jeune essénien, qui criait
des insultes et se débattait avec fureur, respira l’odeur de la mort à pleines
narines. Il s’immobilisa, écarquilla les yeux et découvrit Miryem dans le creux
sombre du char.
— Ouvre
la porte, gronda Rekab en le lâchant enfin. Le garçon remit de l’ordre dans sa
tunique. Mal à l’aise devant le spectacle qu’offrait Miryem, il baissa les
yeux.
— Ce
n’est pas la règle, s’obstina-t-il. À cette heure-ci, les maîtres interdisent
l’ouverture.
Avant que
Rekab puisse réagir, Miryem parla.
— Donne
mon nom au sage Joseph d’Arimathie. Dis-lui que je suis ici et je ne peux pas
aller plus loin. Je suis Miryem de Nazareth.
Elle
s’était à peine redressée. Sa voix était d’une douceur qui embarrassa le jeune
essénien plus encore que ce qu’il voyait. Il ne répondit pas, fila vers
l’intérieur de la maison. Rekab nota qu’il ne refermait pas l’huis derrière
lui.
Ils
n’eurent pas à attendre longtemps. Entouré de quelques frères, Joseph
d’Arimathie accourut.
Il ne
s’embarrassa pas de saluer Rekab, mais sauta dans le chariot. Il voulut
questionner Miryem quand elle dévoila le visage d’Abdias. Au premier coup
d’œil, il reconnut le jeune am-ha-aretz. Il laissa échapper une plainte. Miryem
murmura des phrases à peine compréhensibles. Rekab l’entendit qui demandait à
Joseph de ressusciter le garçon.
— Toi,
tu le peux. Je sais que tu peux, marmonnait-elle comme si elle avait perdu la
raison.
Joseph ne
perdit pas de temps à lui répondre. Il la saisit sous les bras, réclama l’aide
de ses compagnons pour la descendre du chariot. Elle protesta, gémit, mais elle
était trop faible pour lutter. Elle tendit les mains vers Joseph, suppliant
d’une voix qui donnait la chair de poule :
— Je
t’en supplie, Joseph, accomplis ce miracle… Abdias ne méritait pas cette mort.
Il faut qu’il vive encore.
Le visage
tendu, grave, Joseph lui caressa la joue sans un mot. D’un signe, il ordonna
qu’on l’emporte à l’intérieur de la maison.
* *
Plus tard,
alors que Rekab avait garé le char dans la cour, et que le corps d’Abdias en
avait été enlevé, Joseph le rejoignit. Avec gentillesse, il posa la main sur
l’épaule cocher.
— Nous
allons prendre soin d’elle, dit-il en désignant l’aile où logeaient les femmes
et où Miryem avait été portée. Merci pour ce que tu as fait. Le voyage a dû
être rude. Il faut te nourrir et prendre du repos.
Rekab
montra les mules qu’il venait de libérer du joug.
— Il
faut les soigner et les nourrir, elles aussi. Demain, je repartirai. C’est le
char de Rachel de Magdala. Je dois le lui ramener au plus vite…
— Mes
compagnons vont s’occuper des bêtes, répliqua Joseph. Tu en as assez fait pour
aujourd’hui. Ne t’inquiète pas pour ta maîtresse. Elle peut attendre son char
quelques jours de plus. Ainsi, tu lui rapporteras de bonnes nouvelles de Miryem.
Rekab
hésita, ayant envie tout à la fois de protester et d’accepter.
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