Marilyn, le dernier secret
créateur de l'Actors Studio, endossait le rôle de coach de Marilyn sur chacun de ses tournages. Et, ignorant l'avis du réalisateur, l'actrice se fiait uniquement aux remarques de son professeur de comédie.
20. Orage
Nunnally Johnson connaissait Marilyn depuis 1953. Et les relations entre l'actrice et le scénariste – dont l'un des faits d'armes était l'adaptation du roman de John Steinbeck, Les Raisins de la colère – avaient toujours été chaotiques. Mais si Johnson montrait peu de patience pour les caprices de la star, au fil des ans, il avait appris à la gérer, convaincu que, entourée de bonnes conditions, elle garantissait le succès de n'importe quel projet.
Marilyn, elle, possédait un don indéniable : savoir s'adjoindre des collaborateurs talentueux. Et connaître les règles de son métier : un triomphe au box-office débutait par une solide histoire et des dialogues tracés au cordeau. Précisément les qualités de Nunnally Johnson.
*
C'est donc naturellement que, effarée par la pauvreté du scénario, Marilyn demanda à Johnson de le réécrire. Le scénariste, qui résidait à Londres, vint à Los Angeles pour l'occasion. Et multiplia les séances de travail avec la Blonde, celle-ci étant consciente que son retour au grand écran dans un genre qui l'avait vue triompher devait être à la hauteur des attentes du public.
Ces échanges furent aussi propices à certaines confessions de la star. Laquelle, à quelques jours du début du tournage, paniquait à la perspective de retrouver George Cukor. « Nunnally, je suis terrifiée comme jamais de devoir travailler à nouveau avec lui, expliquait-elle. Tu n'as aucune idée de ce qu'il m'a fait vivre sur Let's Make Love . Il m'a traitée de la pire des manières [1] . »
En se souvenant de cette période, Marilyn, en pleurs, tremblait.
Si, afin de sauver les apparences, Nunnally tenta à maintes reprises de la réconforter, en réalité, il craignait le pire. D'abord, parce que la star ne lui avait jamais paru aussi fragile. Ensuite, parce que lui-même était hanté par le souvenir d'un déjeuner, survenu quelques jours plus tôt, avec Cukor. Où ce dernier, à plusieurs reprises, avait assené : « J'en suis au point où, désormais, je déteste Marilyn Monroe. Elle n'est qu'une star capricieuse et chouchoutée. Elle représente tout ce qui fonctionne mal à Hollywood de nos jours [2] . »
Plus que par la violence des critiques, Nunnally Johnson avait été ébranlé par le ton de Cukor. Le metteur en scène s'était exprimé avec une rage que le scénariste ne lui connaissait pas.
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L'orage était donc imminent. Et Nunnally Johnson possédait trop d'expérience pour ne pas anticiper la suite. Un studio aux abois, un film sans scénario, une star fragilisée et un réalisateur sur le pied de guerre, le cocktail serait explosif, voire fatal.
Aussi, avant de repartir en Grande-Bretagne, le scénariste abattit une dernière carte : s'adresser directement aux dirigeants de la 20th Century Fox pour tenter de les amener à la raison. Avec une démonstration d'une logique imparable : le nom de Cukor ne vendait aucun ticket d'entrée, c'était Marilyn Monroe qui déplaçait les foules. Il suffisait donc, avant qu'il ne soit trop tard, de se séparer du réalisateur pour apaiser la star et la placer dans les meilleures conditions d'expression de son talent.
La cohérence de ce raisonnement ne faisait aucun doute. Même aux yeux de la Fox. Mais, étouffé par son rêve égyptien, le studio n'avait aucune autre porte de sortie. Après tout, elle s'y ferait. Et une seule vérité importait : celle des chiffres. Accumulés, les salaires versés à Cukor et Monroe ne couvrant même pas le quart de celui d'Elizabeth Taylor, pourquoi se priver ?
*
Nunnally Johnson avait échoué.
Sur Hollywood, le ciel ne lui avait jamais paru aussi sombre.
Un éclair venait de lacérer l'horizon.
Désormais, les jours de Marilyn étaient comptés.
1 -
In Marilyn, The Last Take, op. cit .
2 -
Ibid. .
21. Anniversaire
Nous étions le 1 er juin 1962, Marilyn fêtait ses 36 ans dans l'intimité. Le contraste entre la simplicité de la scène et ses souvenirs du Madison Square Garden était troublant. Là, quelques jours plus tôt, le temps d'une rengaine, Marilyn était redevenue la princesse de l'Amérique.
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Le 19 mai, le Parti démocrate célébrait le quarante-cinquième anniversaire de John F. Kennedy. Une cérémonie prétexte
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