Marilyn, le dernier secret
JFK. Le concept était amusant mais l'intuition de Marilyn lui offrit une autre dimension. Bien plus fascinante et mythique. Au grand désespoir de Richard Adler, son répétiteur, Monroe avait en effet décidé de s'inspirer de son rôle dans Gentlemen Prefer Blondes . Et, comme dans le film, de susurrer les paroles. Dès lors, par magie, l'ode politique se transforma en complainte érotique.
À en croire la réaction enflammée de la salle, dont les cris et applaudissements couvraient la musique, le refrain fut interprété par chacun comme une brûlante revendication de la sensualité de l'actrice.
*
Le Madison Square Garden tanguait. Armée d'une robe et d'une succession de murmures lascifs, Marilyn Monroe avait réussi l'impossible. Conquérir dix-sept mille invités, dont l'homme le plus puissant de la planète.
Certes, elle approchait 36 ans et n'avait plus la fraîcheur d'une jeune première. Certes, le Tout-Hollywood raillait ses absences, ses trous de mémoire et son salaire de star au rabais.
Mais tout cela ne comptait plus.
1 -
Marilyn, The Last Take , op. cit .
2 -
Ibid .
3 -
En octobre 1999, la société Christie's, à New York, vendit la robe aux enchères pour le prix record de 1,2 millions de dollars.
Troisième partie
Détruire
22. Absence
Le refus sec de George Cukor n'avait pu échapper à Marilyn. Surtout en cette journée particulière. Une humiliation supplémentaire à endurer. Elle n'en pouvait plus.
Qu'avait osé le réalisateur irascible ? Interdire à Pat Newcomb l'accès au tournage. Or la jeune femme n'était pas seulement l'attachée de presse de Monroe. Au fil des jours, des joies et des peines, des crises de larmes et des éclats de rire aussi, elle était devenue une de ses rares amies. Et, alors que l'heure de la pause déjeuner approchait, elle s'était glissée sur le plateau, quelques bouteilles de champagne sous le bras, pour célébrer l'anniversaire de la star. Après quelques heures de travail, n'était-il pas temps de fêter cet événement ?
Mais voilà, Cukor, excédé par les absences répétées de la vedette principale, avait voulu lui faire ouvertement comprendre son animosité. Et il venait de mettre son veto.
Pas d'amis, pas de bulles. Marilyn devait une journée de travail au réalisateur et aucune célébration n'aurait lieu avant qu'il n'en donne la permission.
Tandis que Newcomb partait se réfugier dans la loge de l'actrice, Marilyn encaissa.
*
Ce n'était pas la première fois que le metteur en scène la contrariait en public. Mais comme à son habitude, au lieu d'affronter directement la star, il s'attaquait à son entourage.
Certes, on avait recommandé la patience à Marilyn. On lui avait expliqué que, comme elle, George avait été embarqué de force dans cette galère. On lui avait même raconté que le réalisateur suivant un régime à base de laxatifs, la cure lui portait sur les nerfs. Mais pour Monroe, la situation empirait de jour en jour.
Comme le laissait deviner le titre du film qu'ils essayaient d'achever, quelqu'un devait craquer. Coupée de la réalité, elle n'imaginait pas un instant qu'elle serait la sacrifiée.
*
Pat Newcomb balaya du regard la loge de Monroe.
À en juger par la profusion de fleurs fraîches, Robert Wagner, Jack Lemmon et Marlon Brando s'étaient souvenus de l'anniversaire.
Frank Sinatra avait fait parvenir un copieux panier que la star n'avait pas encore eu le temps d'explorer. Dans un coin, trônait un sac rempli de télégrammes de vœux expédiés par la profession. Dans un autre, une caisse de bouteilles de champagne offerte par Pat Lawford Kennedy, la sœur de John et Bobby.
Pat Newcomb acheva son tour d'horizon mais ne put s'empêcher d'être préoccupée. Comme elle le racontera plus tard, l'attachée de presse fut brusquement saisie d'un étrange sentiment. Né au creux de son ventre, il gagnait maintenant tout son être.
Et, brusquement, la vérité la jeta sur un siège, anéantie.
Ce qui comptait, ce n'était pas ce que Marilyn venait de recevoir. Ni le nom ou le pedigree de ceux qui avaient pensé à elle. Non, en ce 1 er juin 1962, le diable ne se cachait pas dans les détails.
Marilyn avait 36 ans. Et Pat Newcomb venait de réaliser que l'essentiel résidait dans ce qui manquait. Parce qu'une absence en dit souvent bien plus que n'importe quel discours.
23. Dernière
« Même pour son anniversaire, ils l'ont traitée comme une sale gamine [1] . »
Bien plus tard,
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