Marilyn, le dernier secret
vêtements de ville, portant toujours le costume de son personnage, à cause de l'achèvement d'une scène centrale en compagnie de Dean Martin et Wally Cox. Ainsi que, sur une table montée à la va-vite, sans décoration ni verres en cristal, un gâteau.
Une pâtisserie sans la moindre extravagance. Et pour cause, la Fox n'y était pour rien. C'est, dans l'urgence, Evelyn Moriarity qui avait collecté quelques dollars auprès des membres de l'équipe et s'était précipitée au Los Angeles Farmers'Market proche. La doublure lumière avait toutefois réussi à convaincre un artiste du studio de personnaliser le gâteau. Quelques jours plus tôt, Marilyn avait défrayé la chronique en tournant sa première scène de nu intégral ; le scénario avait prévu un bain de minuit, mais Marilyn s'était rapidement débarrassée du maillot couleur peau chargé de dissimuler ses formes. La séquence avait été photographiée et les clichés, en couverture des plus grands magazines, faisaient déjà le tour du monde. La pâtisserie arborait donc un dessin de Marilyn en bikini.
Moriarity était également parvenue à réunir sur une carte de vœux les signatures de l'ensemble de l'équipe. Sans surprise, celle de George Cukor manquait à l'appel.
Un dessert à cinq dollars, une carte signée par les techniciens de Something's Got to Give et… rien de plus. Ah si. La cafétéria de la 20th Century Fox avait quand même contribué à l'anniversaire de la star. En fournissant quelques litres de café noir. Et encore ne s'agissait-il pas d'un don puisque, quelques semaines après le décès de Monroe, Inez Melson, l'exécutrice testamentaire de la star, reçut, sur papier à en-tête, une facture de la Fox relative au café servi le 1 er juin 1962.
*
Aucune de ces mesquineries, aussi pathétiques que pitoyables, n'avait échappé à Pat Newcomb.
Mais plus que l'absence de festivités organisées par le studio, c'est celle des big boss de la Fox qui la choqua le plus. Refuser de célébrer l'anniversaire de la star maison était une chose. Mais ne pas envoyer un de ses dirigeants prononcer un discours de félicitations se révélait plus grave.
Pis encore. Après avoir vérifié par deux fois, elle n'avait plus aucun doute. Dans l'amoncellement de bouquets, cadeaux, cartes et télégrammes, rien n'émanait de la 20th Century Fox.
Exactement comme si le studio avait décidé de boycotter Marilyn Monroe.
*
Les bougies venaient d'être soufflées. Selon son habitude, l'actrice avait pris le temps de remercier l'ensemble de l'équipe pour ce pot improvisé.
Marilyn venait donc d'avoir 36 ans. Mais sa journée était loin d'être terminée. Il lui fallait maintenant se rendre au stade de base-ball des Dodgers, pour assister à un match caritatif en faveur de la Muscular Dystrophy Association, dont elle était la marraine. On avait annoncé sa venue depuis longtemps et les billets d'entrée s'étaient vendus en un temps record. Surtout, Monroe avait promis au fils de Dean Martin de lui présenter les plus grands joueurs du moment.
Marilyn venait d'avoir 36 ans.
Et alors qu'elle s'engouffrait dans sa limousine, ses pensées devaient naviguer entre la joie de retrouver Joe Di Maggio et le soulagement d'avoir tenu une journée de plus dans un enfer cinématographique. Finalement, Something's Got to Give ne prenait-il pas forme ? Peut-être même, grâce à l'exceptionnelle alchimie de sa distribution, ce film ne serait-il pas aussi mauvais qu'elle le redoutait. Peut-être même serait-il celui qui marquerait son retour.
Mais après ? Ensuite, il faudrait penser à tout changer. À rompre son mariage usé avec la Fox. À trouver un vrai bon rôle. Pas forcément le plus sérieux, mais un qui rappellerait à tous son statut de star ultime.
Son avenir se trouvait là. Devant les caméras. Dans cet univers de carton-pâte qu'elle avait réussi à apprivoiser.
Marilyn avait 36 ans. Et elle venait de passer la dernière journée de sa vie sur un plateau de cinéma.
1 -
Marilyn, The Last Take , op. cit .
2 -
Ibid .
3 -
Marilyn, The Last Take, op. cit .
24. Guerre
Rendues humides par les embruns de l'océan Pacifique, les nuits californiennes du mois de juin avaient la réputation d'être traditionnellement fraîches. Mais en 1962, à cause d'un front froid venu du nord enveloppant Los Angeles, les températures furent plus basses que de coutume. Et, alors que Marilyn, sous les applaudissements de la foule, discutait
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