Marilyn, le dernier secret

d'avoir lui-même choisi la tenue portée par la Blonde le jour de son enterrement.
    Enfin, n'oublions pas les difficultés rencontrées par Slatzer à présenter le moindre témoin direct de l'événement. Du moins, un témoin solide. Si, en 1974, lorsque le journaliste publia son premier livre consacré à la mort de la comédienne [1] , il prétendit qu'un ami, Noble Chissel, avait assisté à la brève cérémonie, le témoignage de ce dernier ne résista pas longtemps. Chissel confirma en effet un moment puis, pris par le remords, soulagea sa conscience en expliquant que les cent dollars proposés par Slatzer l'avaient aidé à corroborer ce mensonge [2] .
    Plus fort, une information dévoilée par Donald Spoto dans sa biographie consacrée à la star : le 4 octobre 1952, jour supposé de l'union avec Slatzer, Marilyn avait passé l'après-midi dans les boutiques de Beverly Hills, comme l'attestait un chèque de 313,13 dollars signé par elle ce jour-là [3] .
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    La légende du mariage avec Marilyn avait vu le jour en 1972. À un moment où, pour la deuxième fois de son existence, Robert Slatzer souhaitait capitaliser sur le nom de la star.
    Car l'homme n'en était pas à son premier coup. En 1957, il avait vendu des souvenirs salaces de ses prétendus exploits sexuels avec Monroe au tabloïd Confidential Magazine [4] .
    Un « papier » où, il fallait le noter, il « oubliait » d'évoquer son union avec celle qu'il présentait comme une nymphomane.
    Mais quinze ans plus tard, Slatzer voyait beaucoup plus grand.
    Le dixième anniversaire de la disparition de la star approchant, il envisageait la publication d'une biographie largement hagiographique de l'actrice. Or aucun éditeur n'avait été séduit par son manuscrit. Aussi s'était-il tourné vers son collègue Will Fowler [5] pour l'inviter à cosigner une nouvelle version du texte.
    À son tour, le reporter ne fut pas convaincu par l'œuvre de Slatzer et, en boutade, lui lança : « C'est dommage que tu n'aies pas été marié à Monroe. Là, tu aurais eu un bon livre à vendre [6] . »
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    En 1974, Robert Slatzer publiait enfin son The Life and Curious Death of Marilyn Monroe . Où, suivant le conseil humoristique de Fowler, il se présenta sans vergogne comme le mari secret de Monroe.
    Norman Mailer ayant rencontré un vif succès un an plus tôt avec sa charge anti-Kennedy, Slatzer avait retenu la leçon. Sa biographie s'était en effet enrichie d'une large partie consacrée à la mort de Marilyn. Qui témoignait de l'influence des propos de Frank Capell, jusque dans le titre choisi. Là où l'ancien du FBI avait utilisé l'adjectif « étrange » pour qualifier la mort de Marilyn, le journaliste de l'Ohio avait opté pour celui, assez similaire, de « curieuse ».
    Comprenant qu'une simple réécriture du petit livre rouge serait insuffisante afin de séduire les masses, Slatzer avait enrichi sa version, en accusant sans retenue Bobby. Force est, avec le recul, de reconnaître une qualité au livre de Slatzer : comme Mailer avant lui, il avait parfaitement pris le pouls de l'Amérique en ce milieu des années 1970. Accuser le sommet de l'État d'avoir commis un crime, puis tout entrepris pour étouffer la vérité, lui assurait d'avance un triomphe. Le résultat fut à la hauteur : les tirages se multiplièrent et l'ancien fan de Niagara devint instantanément un expert incontournable de la relation entre le clan Kennedy et Marilyn. Et, bien entendu, un spécialiste du meurtre qu'elle avait généré.
    La montée en puissance de Slatzer coïncida avec l'essor du format talk-show sur les chaînes américaines. Le mystère Marilyn sauce Slatzer assurant des audiences confortables, il gagna du terrain. Si bien qu'en 1991, ABC franchit le Rubicon en adaptant pour le petit écran, et sans exprimer la moindre réserve, l'union imaginaire avec Marilyn Monroe dans un film intitulé Marilyn and Me .
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    Pourquoi s'acharner sur ce faussaire ? Parce qu'abattre la statue du faux mari de Monroe était une nécessité.
    Primo , parce qu'il est évident que le succès rencontré par Slatzer, de l'édition à la télévision, a largement contribué à façonner l'imaginaire collectif et à accréditer des thèses infondées.
    Secundo , parce que sa réussite éditoriale a solidement installé le modèle économique initié par Norman Mailer. En confirmant par son propre succès l'intuition originelle du romancier, Slatzer fut indirectement à