Marilyn, le dernier secret
année 1972, qui s'acheva par la réélection de Nixon, mais aussi sur l'idée répandue que la machine à surprises ne parviendrait plus à s'arrêter.
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Les répercussions de toutes ces histoires atteignirent tous les secteurs. Et modifièrent, chez beaucoup d'Américains, la façon de voir leur pays. Washington n'apparaissait plus du tout comme le sanctuaire pur et honnête que l'on croyait.
Alors que, jusqu'ici, la majorité se satisfaisait d'une vision naïve de l'appareil politique, dorénavant l'innocence avait disparu. Le meilleur exemple de cette attitude reste, à mes yeux, la manière dont les États-Unis ont accueilli le rapport de la Commission Warren censé prouver la culpabilité du seul Lee Harvey Oswald dans l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Si, dans son ensemble, le pays avait refusé de voir les incohérences du document parce qu'il provenait de l'élite gouvernementale, cette fois cette adhésion montrait des failles. Dorénavant, le public affichait une défiance grandissante envers son propre pouvoir.
Autre répercussion de ce revirement dans le cas de Monroe, la mise en accusation de deux institutions jusqu'ici crues sur parole : la CIA et le Parti républicain. Dès lors, luttant pour leur survie, les deux organismes – qui ne manquaient pas d'intérêts communs – furent prêts à tout.
Et notamment à donner le change. Ou à détourner l'attention. Norman Mailer, lui, allait servir de porte-voix utile.
1 -
Marilyn : A Biography, Norman Mailer, Grosset &Dunlap, 1973.
64. Industrie
Pour ne pas sombrer seuls, les organismes officiels sur la sellette n'eurent qu'une solution : pratiquer la politique de la terre brûlée, laisser croire que tout Washington était gangrené, attester l'idée du « tous pourris ! » Dès lors, tout le monde étant dans le même sac, les fautes réelles passaient à la trappe.
Puisque se dépêtrer des accusations proférées n'était pas évident, la riposte la plus simple consistait à démontrer que les autres – le Parti démocrate en l'occurrence – s'étaient rendus coupables des mêmes malversations, voire pire. Il fallait installer dans les consciences l'idée que la présidence de Nixon assumait seulement le terrifiant héritage qu'avaient légué ses prédécesseurs. Et que la seule erreur de la CIA avait été d'obéir aux instructions données par le locataire de la Maison Blanche de l'époque, en l'occurrence JFK lui-même. En somme, l'Amérique des années 1970 payait seulement les conséquences des actes illégaux et immoraux du passé.
Mais, pour accréditer cette thèse, encore fallait-il avoir des éléments en main. Aussi, l'agence de renseignements et les républicains mirent-ils tout en œuvre pour noircir l'œuvre et le bilan des frères Kennedy. Qui n'y pouvaient rien… puisque, décédés, ils n'étaient plus là pour se défendre. Une aubaine.
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Le mouvement anti-Kennedy naquit de cette volonté-là.
Sauver Nixon et protéger la CIA équivalait à blâmer et à salir la présidence de JFK. Voire à oser prétendre, comme Lyndon Johnson l'avait dit une fois, que l'assassinat de l'ancien chef de l'État était une « rétribution divine », une terrible mais logique addition à payer tant le disparu avait de meurtres – prétendus évidents – à son passif.
Le premier écran de fumée créé par la CIA consista à prétendre que l'équipe des plombiers du Watergate était en réalité un groupe de barbouzes formés par Robert Kennedy lors de son passage au département de la Justice. Afin de sortir du bourbier qui menaçait chaque jour d'engloutir la Maison Blanche, un proche de Nixon suggéra aussi à la presse de s'intéresser de nouveau à l'accident de Chappaquiddick où, par insouciance, Ted Kennedy, cadet de John et Robert, avait causé la mort d'une de ses assistantes. À en croire cette « source » républicaine, les « plombiers » avaient en fait été appelés à la rescousse pour effacer toute trace remontant jusqu'au sénateur démocrate.
La presse bruissait en outre de rumeurs évoquant maints coups tordus censés avoir été dirigés par les deux frères. Où il était question d'assassinats politiques, de coups d'États, d'opérations de propagande…
Comme dans un mouvement de balancier, discréditer les Kennedy donnait l'illusion de créer une sorte d'équilibre contrebalançant les attaques contre Nixon. Le plus incroyable, c'est que ce mouvement n'avait rien de
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