Marilyn, le dernier secret
. »
Cette présentation cursive d'Hilty était aussi brillante que réaliste et accablante. Une démonstration applicable au livre de Don Wolfe. S'engouffrant sur la voie tracée par Anthony Summers, en accusant Bobby d'une responsabilité directe dans le meurtre de Marilyn, l'Américain n'hésita pas à aller là où même son prédécesseur britannique avait refusé de se rendre. À l'accusation de crime perpétré sur commande.
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Quarante-cinq ans après les faits, si l'énigme Marilyn n'avait toujours pas de solution définitive, c'est parce que les derniers mois de la star avaient été complètement pollués, embrouillés, torturés, déformés.
À maints égards, cette énigme n'est pas sans se rapprocher de tout ce qui entoure l'assassinat de JFK. Un environnement gangrené de la même manière, constellé de pièges et chausse-trappes que moi-même, parfois, je n'avais pas réussi à éviter.
L'affaire Monroe se signalait pourtant par une dimension nouvelle. Si le tri entre la fiction et la réalité avait exigé tant d'énergie et de rigueur, c'était parce que deux forces, parfois complémentaires, venaient en permanence semer le trouble. Les travaux concurrents de Spoto et Hilty traçaient les grandes lignes, mais il était nécessaire de raconter aussi comment l'argent et la haine avaient faussé la partie.
1 -
In Robert Kennedy : Brother Protector, op. cit .
63. Innocence
Norman Mailer venait de découvrir un filon d'or.
Quelques mois plus tôt, la maison d'édition new-yorkaise Grosset & Dunlap lui avait commandé un texte destiné à accompagner un album réunissant des photographies de Marilyn Monroe [1] .
En cette année 1972, l'Amérique, embourbée au Vietnam et toujours traumatisée par l'assassinat de JFK, achevait de perdre son innocence. L' american way of life idyllique craquait de toutes parts. Et lui allait apporter son art à ces déchirures douloureuses.
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La lame de fond décillant les yeux de l'opinion avait débuté en janvier 1970 lorsque Christopher Pyle, enquêteur du sous-comité judiciaire des droits constitutionnels du Sénat, avait révélé que l'armée américaine espionnait certains civils. Intervenant dans une commission d'enquête présidée par Sam Ervin, il propulsa le pays dans une réalité qu'il ignorait mais qui allait devenir son quotidien durant plusieurs années.
En 1971, le New York Times puis le Washington Post , luttant contre les tentatives de censure du gouvernement Nixon, publièrent l'intégralité des Pentagon Papers. Extraits par Daniel Ellsberg, ces documents secrets dévoilaient tout simplement les dessous du conflit vietnamien. Et les Américains, effarés, y apprirent par exemple que le président Lyndon B. Johnson avait tout entrepris pour souffler sur les braises du conflit asiatique alors que, publiquement, il assurait le contraire. Et que Nixon, contrairement à ses discours, n'avait rien tenté pour inverser le cours des choses.
La confrontation avec les manœuvres et magouilles du gouvernement américain reprit de plus belle l'année suivante. Si, au fond, cette surabondance de révélations ne constituait guère une surprise pour les personnes averties – après tout, les États-Unis entraient en période électorale et, depuis 1960, celle-ci se transformait en vaste règlement de comptes où, au-delà des programmes, détruire son adversaire devenait le seul but à atteindre – 1972 ne calma pas la lame de fond
En mai, J. Edgar Hoover, inamovible patron du FBI, décéda. Un souffle de soulagement traversa Washington, qui fut entendu dans l'ensemble du pays. Mais sa disparition ouvrit d'autres vannes et déversa un flot de récits racontant son obsession de la fiche de renseignements. Le Boss , semblait-il, avait mis plus d'énergie à exercer des chantages sur le pouvoir qu'à lutter contre l'omniprésent crime organisé.
En juin, cerise sur le gâteau, l'expédition d'un groupe de plombiers dans l'immeuble du Watergate vira au fiasco. Le FBI, fidèle à l'héritage d'Hoover, tenta d'étouffer l'enquête, embarrassé de découvrir que des anciens du Bureau de la CIA et, pis, un membre du Comité pour la réélection du président Nixon, étaient liés à l'opération d'espionnage du quartier général de la campagne du Parti démocrate. Le scandale, attisé par les révélations de Carl Bernstein et Bob Woodward dans les colonnes du Washington Post , occupa les premières pages de l'actualité tout au long de cette
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