Marilyn, le dernier secret
permettait en effet de revenir aux instants précédant le décès et de découvrir quels avaient été les faits et gestes de la future victime.
Ce retour dans le passé constituait un point fort de mon enquête car, d'ordinaire, il offre la possibilité de découvrir les circonstances même de la mort. Or dans l'affaire Monroe, le travail de Noguchi multipliait les révélations. Grâce à lui, on pouvait même affirmer que, le samedi 4 août 1962, Marilyn n'attendait personne. Ni Robert F. Kennedy ni aucun autre invité mystérieux.
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Il n'y avait rien de magique à cette conclusion. C'est la description du corps de Marilyn telle que Noguchi l'avait rapportée qui « parlait ».
Ainsi, le médecin avait noté que le cadavre de la star n'avait pas les jambes rasées. Que ses ongles n'étaient pas manucurés. Et que ses racines de cheveux apparaissaient sous sa teinture blonde.
Rapprochées, ces trois informations confirmaient que Marilyn ne s'était pas préparée à accueillir quelqu'un. Elle qui, dès qu'une rencontre importante s'annonçait, réclamait les soins de son maquilleur et de sa coiffeuse, n'aurait pu recevoir quiconque sans être visuellement et esthétiquement parfaite. Sachant mieux que quiconque que son succès était largement lié à son apparence, jamais elle n'aurait dérogé à sa règle.
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Le relevé de Noguchi confirmait que Marilyn Monroe n'attendait personne le 4 août 1962. Soit.
Ce constat-là ouvrait dès lors une troisième dimension d'analyse. Capitale, car elle permettait de s'approcher de l'identité du coupable.
Une fois encore, la logique allait m'aider. Si l'état du cadavre indiquait que la star n'avait pas prévu d'accueillir un visiteur, cela entraînait deux explications. Soit le meurtrier était arrivé sans s'annoncer au 12305 Fifth Helena Drive. Soit celui-ci… appartenait à son entourage proche.
75. Cristaux
Le rythme de la poursuite s'intensifiait.
Afin de conclure ma chasse, déterminer les causes réelles de la mort de Marilyn devenait incontournable.
Pour y parvenir, je devais me glisser dans la peau de Thomas Noguchi en ce 5 août 1962.
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Croire que la personnalité du cadavre n'avait pesé sur aucun des gestes du médecin légiste relevait de l'illusion.
Le docteur lui-même reconnaissait que, « pour la première fois de (sa) jeune carrière, il avait été émotionnellement affecté par la vue d'un cadavre sur une table d'autopsie [1] .
Et d'ajouter : « (En découvrant le corps), j'ai réalisé l'énorme responsabilité qui m'attendait. Je savais que le monde entier voudrait savoir ce qui était arrivé à cette chère Marilyn Monroe. C'est avec cette responsabilité en tête que j'ai entrepris mon examen [2] . »
L'autopsie de Marilyn, qui ne présentait pas de difficultés particulières en elle-même, n'avait pas duré cinq heures pour rien. En plus de sa responsabilité devant l'histoire, le jeune médecin ne pouvait s'empêcher de songer aux conséquences inévitables que cette opération aurait sur sa carrière. Lui qui, dix ans plus tôt, avait débarqué du Japon pour terminer ses études de médecine, lui qui avait rencontré des difficultés pour maîtriser une langue et une culture si différentes, lui qui était entré au service du Coroner du Los Angeles County dans le courant de l'année 1960, devait entreprendre l'autopsie la plus importante jamais réalisée par le bureau.
Noguchi ne l'ignorait pas : son travail serait étudié à la loupe par certains et disséqué par d'autres durant des années. Exactement comme lui s'apprêtait à le faire avec la dépouille de la plus grande star de l'après-guerre.
Plus encore que la recherche de la vérité, c'est son propre avenir qui se jouait sur la table numéro 1.
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Du Mortuary Death Report à la liste des prescriptions retrouvées sur le chevet de Marilyn dressée par le LAPD, tout laissait croire que l'actrice avait succombé à une overdose de barbituriques.
L'examen externe du cadavre avait renforcé cette thèse, le médecin ne relevant ni signes de violence ni traces d'injection. L'étape suivante devait donc corroborer à jamais la thèse du suicide.
Le légiste entreprit d'examiner l'estomac de Marilyn. Dont le contenu, comme nous l'avons vu, se limitait à vingt millilitres, soit l'équivalent d'une cuillère à soupe. Noguchi préleva un échantillon du fluide et l'examina au microscope. L'analyse confirma son premier constat visuel. Il manquait quelque
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