Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
main. Bernard enjamba le pavois et sauta sur le pont du lougre. Il courut vers l’officier et s’arrêta devant la dunette à distance réglementaire, portant son poing à son front.  
    — Matelot Bernard Hazembat à vos ordres, commandant.  
    — Bienvenue à bord, Hazembat. Je suis l’enseigne Le Guillou et c’est moi qui commande ce baquet. Afin de t’éviter des questions et pour t’expliquer à la fois son apparence et son nom, je te signale qu’il a été capturé par les Anglais en 95 à Quiberon et repris par nous devant Ré l’année dernière. Je n’ai pas l’intention de le perdre de nouveau, même si tout l’équipage doit en pisser du sang, moi y compris. Maintenant que tu es averti, va à l’avant te présenter au maître. Nous appareillons dans deux heures pour Rochefort.  
    Bernard fut surpris par tant de loquacité de la part d’un officier. Ce n’était pas dans les manières de la marine. Sans doute, sur ce petit navire, les relations étaient-elles plus détendues et plus directes que sur les vaisseaux de ligne. De nouveau il toucha son front du poing.  
    — Bien, commandant ! Vive la République, commandant !  
    — Vive la République, matelot !  
    L ’Aurore avait déjà débordé et, sa voile gonflée, faisait force rame pour virer contre le courant. Bernard agita la main dans sa direction.  
    C’est bien des heures plus tard, les reins rompus par la manœuvre au guindeau, que, dans son hamac, il eut le temps de songer à Pouriquète. Pris soudain d’une angoisse déchirante, il se mit à pleurer en couvrant sa cocarde de baisers. Puis, imperceptible et lointaine, la grande houle qui entrait par l’estuaire l’accueillit dans la paix de son giron au milieu des craquements familiers.  
    Apaisé, il jeta un coup d’œil à travers les cordes du hamac sur le poste d’équipage, faiblement éclairé par une lanterne en veilleuse. Ses camarades, marins de la République comme lui, dormaient dans leurs hamacs serrés les uns contre les autres sous les poutres basses de l’entrepont, en rangées d’une merveilleuse rectitude, tous balancés au même branle égal et lent. Il prit conscience de la course silencieuse du navire fendant l’eau noire, en route pour les tempêtes et les combats.  
    Langon n’était plus qu’une escale lumineuse dans ses navigations, un havre où l’attendait tout l’amour de sa vie, inaccessible et vrai comme un trésor d’au-delà des océans.  
    Il s’abandonna au rêve profond de la mer et s’endormit, serein, les mains croisées sur sa cocarde.  

CHAPITRE XI :
LE CHASSE-MARÉE
    Par temps calme, sec et froid, le lougre Mathurin-Mary doubla les ensablures de la pointe de la Coubre dans la nuit du 16 au 17 Pluviôse de l’An   VI, puis mit cap au nord, naviguant au plus près sous une brise modérée. Au quart de midi, le 17, il embouqua le Pertuis de Maumusson, entre l’île d’Oléron et la côte.  
    Bernard Hazembat était à la barre. Son expérience sur la Belle de Lormont, quand il courait le Caraïbe, l’avait fait désigner pour le poste de second timonier. Sur les quelque cinquante hommes de l’équipage, près de la moitié étaient des terriens raflés en Vendée par la conscription et affectés à la marine par les hasards du recrutement. Balourds et rudes, ils parlaient un patois incompréhensible, mais la manœuvre des voiles à bourcet, relativement simple, demandait surtout du muscle et des coups de gueule dont Cousseau, le maître d’équipage, n’était pas chiche.  
    C’était un Saintongeais bavard, à la peau rougeaude et craquelée. Seul de tout l’équipage, il avait déjà navigué sur le Mathurin-Mary avant sa capture par les Anglais, le 7 Messidor de l’An   IV, lors du débarquement des royalistes à Quiberon. Dès qu’il avait appris que le lougre, capturé de nouveau par une frégate française devant Saint-Martin-de-Ré, allait être réarmé, il s’était porté volontaire pour y reprendre du service.  
    — Un batiau, c’est comme un’garce, expliquait-il volontiers avec son accent bizarre qui avalait les syllabes. Faut 1’ temps pour apprend’ses humeurs. C’te hand’putain d’coqu’de noué, è s’vexe quand on lui fait pas confiance. L’croiriez p’têt’pas, quand on est au plus près serré sous forte brise et qu ’, par prudence, on étarque pas les écoutes à casser, c’est ben 1’ diable si, par dépit, è fait pas 1’ coup d’culer au moment

Weitere Kostenlose Bücher