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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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extravagants et des messieurs cossus qui n’étaient pas sans ressembler à ceux de Baltimore.  
    Bernard s’émerveillait des belles façades blanches alignées au cordeau et des avenues en étoile. Mais, dans les faubourgs, le quartier Saint-Seurin restait un repaire de miséreux et de tire-laine. L’inégalité des conditions le choquait toujours, mais le bouleversait moins que lors de sa première visite : ces gens-là, au moins, n’étaient pas esclaves.  
    Quand il revint vers le port en suivant les longues rues droites tracées par l’intendant Tourny, il fut à nouveau fasciné par le spectacle des grands trois-mâts ancrés dans le port de la Lune. La plupart étaient des navires marchands désarmés, vergues calées le long des mâts. Mais, tels qu’ils étaient, ils éveillèrent dans le cœur de Bernard une puissante nostalgie. Au-delà de la forêt des mâts, vingt lieues en aval, il crut entendre le grondement de la mer.  
    Le lendemain, il attendit plusieurs heures dans une grande salle voûtée au commandement de la marine. C’est seulement vers midi qu’un second maître vint le chercher pour le conduire à un salon dont la décoration rappelait celle de l’appartement des O’Quin. Derrière une table, étaient assis trois personnages : un civil au visage maigre et dur, un lieutenant de vaisseau et, entre les deux, un officier à l’uniforme chamarré, qui devait être un contre-amiral. Dans un coin de la pièce, un petit bonhomme à besicles apprêtait ses plumes devant un guéridon.  
    — Avance, mon garçon, dit l’amiral. Nous avons des questions à te poser. Je dois te dire tout de suite que de graves accusations ont été portées contre toi. Berthet, voulez-vous les lui faire connaître ?  
    L’homme maigre saisit une liasse de feuilles devant lui.  
    — Il y a deux ans, dit-il, nous avons reçu de la Guadeloupe un rapport du commissaire Cournod dénonçant un certain Hazembat Bernard pour émigration, désertion, conspiration, rébellion et évasion. Il s’agit bien de toi, citoyen ?  
    — Sans doute, citoyen. Je suis allé deux fois à la Guadeloupe. Je l’ai déclaré à la gendarmerie.  
    — Vu l’époque où se sont produits les faits et vu surtout la personnalité de ton accusateur, nous sommes enclins à fermer les yeux. Mais il y a plus grave. Il faut que tu saches que le gouverneur Hugues avait retiré ses lettres de course au capitaine Lesbats, ce qui fait que, les derniers mois tout au moins, tu as servi à bord d’un vulgaire pirate. Et cela, tu sais ce que ça peut te valoir ?  
    La corde de chanvre ! Bernard sentit son poil se hérisser, mais il parvint à se dominer et à rester impassible.  
    L’amiral eut un très léger sourire.  
    — Rassure-toi, dit-il, la conduite héroïque de Lesbats lors de la perte de son navire, telle que tu l’as racontée aux gendarmes, est de nature à le racheter à nos yeux. Heureusement pour toi, des témoins espagnols et des prisonniers anglais ont confirmé ton récit du combat au large du Ferrol. Mais il nous faut des détails, beaucoup de détails. Si tu nous les donnes franchement et sans crainte, nous pourrons reconsidérer ton cas avec bienveillance.  
    Jusqu’à la nuit, Bernard dut raconter ses navigations par le menu, sans omettre les lieux et dates des combats, des expéditions à terre, des escales, ni les noms et pavillons des navires capturés ou coulés. Quand la mémoire lui faisait défaut, le lieutenant de vaisseau, consultant des notes, le remettait sur la voie. Les trois hommes parurent particulièrement intéressés par l’attaque des nègres au large de Saint-Domingue.  
    — Le 4 Nivôse de l’an  V, dis-tu ? Tu es sûr de la date ?  
    — Oh, oui, citoyen ! C’était… c’était le soir de Noël !  
    — Les superstitions ont parfois du bon, dit l’amiral en haussant les sourcils.  
    On reconduisit Bernard à la salle voûtée et un matelot vint lui apporter un casse-croûte de pain, de fromage et de vin. Il entendit sonner huit heures, puis neuf heures. Il était presque dix heures quand on le reconduisit dans le salon. Le lieutenant de vaisseau était seul.  
    — Bien, dit-il, on passe l’éponge en raison des renseignements que tu as fournis. Tu vas rentrer chez toi, mais considère-toi comme à la disposition de la marine. Tu seras incorporé dans les mois qui viennent. Bon vent, matelot Hazembat !  
    Brumaire s’achevait quand Bernard regagna

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