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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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c’est le capitaine Violet. Lui aussi a servi à Toulon sous Bonaparte et son beau-frère est général. Pour le moment, il tient Demaison à l’œil, mais le jour où ils s’entendront sur le dos de la République, alors il faudra veiller au grain !  
    — Que veux-tu dire ?  
    — Ecoute, dans l’état-major, il n’y a qu’un homme à qui on puisse faire confiance. C’est Guirrec. Lui, c’est un pur et un solide. Le jour venu, on pourra compter sur lui.  
    — Compter sur lui pourquoi ? Tu penses à te mutiner ?  
    — Que non pas, pécquot ! La mutinerie viendrait de l’autre côté. Les bouseux qui composent plus des trois quarts de l’équipage sont toujours pour leur roi et leur curé. Demaison a ses hommes parmi eux. Violet a les siens, moins nombreux mais plus décidés. D’ici qu’ils se mettent d’accord pour faire la paix avec les Goddem, la République n’aura plus de marine !  
    Des officiers mariniers entrèrent, réclamant leurs rations à grand tapage. Papounet fit un clin d’œil et reconduisit Hazembat jusqu’à la bâche qui servait de porte. Il mit un doigt sur sa moustache.  
    —  Taise-te, gojat, souffla-t-il. Je te reverrai.  
    Les premières bourrasques annonçant l’équinoxe balayaient le port de Lorient quand, le deuxième jour de la troisième décade de Ventôse, les sifflets et les tambours appelèrent à l’appareillage. Cinq jours plus tôt, Hazembat, promu matelot de première classe, avait reçu son brevet de timonier.  
    Il était à la barre avec son équipe sous les ordres de Violet, flanqué du pilote, quand l ’Argonaute franchit le goulet du port et embouqua la passe du sud entre Gâvres et les récifs des Errants que la marée descendante commençait à découvrir.  
    Dès que le navire eut dépassé la pointe de Gâvres sous une fraîche brise de nord-ouest, Hazembat sentit sous ses pieds, avec une sorte d’exaltation, la lente poussée maternelle de la houle, puis son creux accueillant. Il sut tout de suite que le gouvernail répondait bien et que l ’Argonaute, sur ce point-là, ne lui donnerait pas d’ennuis.  
    Groix était en vue à trois milles par un quart tribord, à demi masquée par un grain. Violet mit en panne pour laisser débarquer le pilote, puis il fit serrer les perroquets et prendre un ris dans les huniers.  
    — Cap sud-est un quart sud !  
    Hazembat mit la grande roue en mouvement par bâbord. Il fit signe à ses aides qu’il n’avait pas besoin d’eux. Le navire obéissait à la barre avec autant de facilité et de précision qu’une chaloupe.  
    Bien établi vent arrière, il devait filer 5 nœuds, plus aidé que gêné par les lames qui couraient de poupe en proue, déferlant parfois mollement par-dessus le pavois tribord. Cela semblait suffire à mettre l’équipage novice en déroute. Eperdus, titubants, les hommes de l’ Argonaute, accrochés par grappes aux drisses ou penchés par-dessus bord, vomissaient à gueule que veux-tu.  
    Hélant Guirrec, Violet lui donna l’ordre de rassembler l’équipage à l’arrière. Trilles de sifflets, roulements de tambours, vociférations se révélant inefficaces, les quartiers-maîtres employèrent le poing, la savate, la botte, la garcette et le taquet de tournage. Tant bien que mal, ils arrivèrent à pousser la foule misérable jusque devant la dunette. Vingt de front, les malheureux formaient une masse compacte jusqu’au-delà du grand mât. De son poste, Hazembat dominait cette cohue hétéroclite où les rares tenues de marin tranchaient sur les haillons puisés dans la soute aux hardes et maintenant maculés de vomissure.  
    Un bruit de pas au-dessus de sa tête l’avertit que l’état-major du navire approchait du bastingage de dunette. Les sifflets modulèrent leur plainte et, loin à l’avant, un roulement de tambour mit les soldats de marine à un garde-à-vous approximatif.  
    — Equipage de l’ Argonaute…  
    Les accents graillonneux du commandant Guillotin parvenaient dans la timonerie comiquement déformés par le porte-voix.  
    — Je ne vous appelle pas marins, parce que vous n’êtes que des terriens de merde, tout juste bons à pousser une araire sur des cailloux. Mais la marine de la République a besoin d’hommes et, puisqu’il n’est pas en mon pouvoir de faire de vous des marins, je vous jure que je ferai des hommes de ceux qui survivront au dressage. Nous allons nous exercer en mer pendant le temps qu’il faudra

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