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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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et, même si je dois faire crever la moitié d’entre vous, j’ôterai à l’autre l’envie de dégobiller ses tripes au moindre coup de chien ! Vive la République !  
    Le vent fraîchissant, il fallut plus d’une demi-heure pour prendre un deuxième ris dans les huniers et serrer les focs. Quand le grain qui était sur Groix rattrapa le navire sous une pluie battante, la houle se creusa soudain, paralysant de terreur les gabiers sur les vergues. Sous une rafale inattendue, le navire embarda sans crier gare et Hazembat, aidé cette fois des deux matelots, corrigea immédiatement la route. Mais à la corne de grand hune deux gabiers lâchèrent prise. Leur hurlement perça un instant le fracas du vent et de la mer et ils disparurent dans les déferlants. Demaison ne tourna même pas la tête. Seul, Guirrec courut futilement le long du pavois, un filin à la main, mais le rideau de pluie avait déjà englouti les malheureux.  
    — Remplacez ces hommes ! cria Violet.  
    Le champ d’exercice choisi par Guillotin était la baie de Quiberon. L’équipe de Verdier était à la barre quand l’ Argonaute franchit le passage de la Teignouse. La brise avait molli et Verdier connaissait bien les parages. A nuit tombante, ils ancrèrent devant Haliguen. L’équipage, frappé d’abord de stupeur par la perte des deux hommes, réagissait mécaniquement, oubliant sa trouille.  
    Au petit jour, l’entraînement commença. La brise de nord-ouest s’était maintenue, ce qui évitait au navire le risque d’être drossé à la côte par une manœuvre malencontreuse, mais rendait les courants changeants de la baie plus traîtres encore que de coutume. La timonerie était mise à rude épreuve tandis qu’on égrenait inlassablement toute la litanie des manœuvres. Bordée après bordée l’entraînement continuait par un temps pourri qui ne s’améliorait pas.  
    Il n’y avait de répit que lorsque, profitant d’une accalmie, Guillotin ordonnait l’exercice de tir pour les canonniers. C’était pour les marins harassés un spectacle qui leur faisait oublier quelques instants leurs peines et leurs angoisses. Un canot larguait des barils vides à quatre ou cinq encablures et les batteries, par salves ou coup par coup, essayaient de les atteindre.  
    Cela faisait plus de bruit que d’effet. Les pointeurs étaient en général des matelots chevronnés, mais leurs équipiers, choisis en fonction du muscle plus que de l’habileté, avaient du mal à comprendre les finesses du canonnage. Dès le deuxième exercice, un chargeur eut le bras arraché pour avoir introduit la gargousse trop vite dans un tube mal écouvillonné. Il mourut quelques instants plus tard dans le faux-pont où le chirurgien de bord avait déjà fort à faire pour soigner les pieds et les mains écrasés par le recul des pièces.  
    Quand d’aventure un boulet faisait voler un baril en éclats, les hommes juchés dans le gréement poussaient des hourras, mais les officiers étaient loin de partager leur enthousiasme. Quand une bordée des 42 fit violemment rouler le navire sans autre effet que de soulever des gerbes d’écume autour des cibles, Violet dit à Guirrec :  
    — Si nous voulons nous battre, il faudra le faire à portée de pistolet.  
    — Le tout sera d’y arriver, lieutenant, répondit le maître d’équipage.  
    Le douzième jour, le servant d’une pièce de 9 du pont supérieur ayant déréglé le pointage au moment de bouter le feu, son boulet coula le canot chargé de larguer, puis de récupérer les barils. Les naufragés furent tous recueillis, mais le responsable reçut deux douzaines de coups de fouet devant l’équipage réuni, au roulement des tambours de l’infanterie de marine. Il était évanoui quand on l’emporta dans le faux-pont. Ses camarades n’en parurent pas autrement choqués. Hazembat se demanda si c’était parce qu’ils avaient apprécié le spectacle ou parce qu’ils avaient compris la leçon.  
    Le matin du vingtième jour, le vent sauta à l’est et la mer se calma. Engoncé dans le caban que lui avait offert Guitoun lors de son départ, Hazembat monta sur le pont respirer les effluves de varech charriés par la brise froide qui venait de terre. Le navire croisait au large d’Haliguen, bien en vue de la côte et la bordée de quart s’exerçait à la manœuvre relativement facile de l’em-pannage. Soudain, son attention fut attirée par un grondement sec venant de la côte,

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