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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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le travers dans vingt minutes !  
    — Dans moins de dix minutes, nous aurons viré en direction de Brest. Que le Goddam aille au diable !  
    Il y eut un silence. Hazembat ne voyait pas les deux hommes, mais il les imaginait face à face, trempés de pluie et d’embruns, hostiles, tendus, menaçants peut-être. Il aperçut Demaison qui était venu chercher un abri relatif à l’entrée de la timonerie. L’officier esquissa une sorte de sourire, puis il monta l’échelle de dunette et l’on entendit la voix de Violet :  
    — Faites parer à virer sous le vent, lieutenant !  
    — Bien, capitaine.  
    — Une voile par un quart bâbord ! cria la vigie de grande hune.  
    De nouveau, la voix de Guirrec :  
    — Sauf respect, capitaine, nous n’allons tout de même pas montrer notre cul à un Anglais !  
    — J’ai donné un ordre, Guirrec.  
    — Oui parle de montrer son cul ici ?  
    C’était la voix de Guillotin. Il devait avoir entendu la discussion et venait de sortir de la grande cabine.  
    — Vous faites virer à l’est, Violet ?  
    — En direction de Brest, oui, commandant. Ce sont nos ordres.  
    — Oui, mais nos ordres n’avaient pas prévu qu’il y aurait un Anglais à l’ouest. Et, quand on voit un Anglais, il n’y a qu’une chose à faire : branle-bas de combat et pare à virer de bord, cap sud-ouest ! Nous allons lui couper la route !  
    Hazembat entendit le soupir de soulagement de Bottereaux qui, comme tout le monde dans la timonerie, écoutait la conversation.  
    — Bien, commandant, dit Violet. Annulez mon ordre, lieutenant. Pare à virer au vent ! Sonnez le branle-bas !  
    — Et, capitaine, ajouta Guillotin, faites mettre un soldat armé à chaque écoutille et à chaque échelle. Nos gaillards n’ont pas encore vu le feu et certains pourraient avoir des envies de se réfugier dans la cale au premier coup de canon.  
    Quelques secondes plus tard, tambours et sifflets appelèrent tout le monde sur le pont et, par vagues, les gabiers se lancèrent dans les enfléchures.  
    Tendu, Hazembat attendait l’ordre de mettre la barre dessous. Il sentit soudain sur son épaule trois doigts se poser, le pouce en bas.  
    — Reste à la barre, Hazembat, dit Bottereaux, ton équipe et celle de Verdier ne seront pas de trop pour manœuvrer.  
    — La barre dessous, vivement ! cria Violet. Verdier et ses hommes se précipitèrent à l’aide de l’équipe d’Hazembat pour faire tourner la roue. La grand vergue pivota lourdement tandis que la misaine fasseyait encore. Le navire prit le vent avec aisance, trouvant sans effort sa nouvelle route.  
    De son poste, Hazembat apercevait maintenant la frégate qui filait au plus près par trois quarts tribord. Mais l’ Argonaute, qui avait largué les ris et mis les perroquets, était meilleur marcheur et la distance diminuait rapidement. Bientôt, l’Anglais ne fut plus qu’à un mille par le travers.  
    — Ouvrez les sabords au vent ! cria Guillotin. Les canons aux sabords ! Pointez à démâter ! Par bordée quand il sera dans la mire ! La barre un quart au vent !… Feu !  
    Presque simultanément, les trois batteries rugirent, profitant de la montée de la lame pour augmenter la portée. L’énorme déflagration ébranla le navire et Hazembat, assourdi, dut se cramponner aux manettes. Le vent charria vers lui des nuages de fumée âcre.  
    — C’est court ! cria Bottereaux vers la dunette, mais il y a des coups au but !  
    Juché par grappes dans le gréement, l’équipage poussa des hourras de triomphe.  
    — Faites taire ces couillons ! hurla Guillotin. Ils ne savent pas ce qui les attend. Tout le monde à son poste ! Rechargez les canons !  
    Les flancs de la frégate se ponctuèrent soudain d’éclairs orange. Des gerbes d’eau s’élevèrent à moins d’une demi-encablure et, avec une gémissement lamentable, un boulet perdu balaya les bas haubans d’artimon, emportant une demi-douzaine d’hommes.  
    — Pare à tirer une autre bordée ! commanda Guillotin. La barre comme ça !… Non ! annulez cet ordre !…  
    Hazembat avait, lui aussi, perçu le léger fasseyement dans la misaine de l’Anglais.  
    — Ce putain va virer de bord ! A changer les voiles par tribord amures ! La barre dessous, toute !  
    Virant au même instant que l’Anglais, l ’Argonaute se retrouva sur le même bord que lui, ayant à peine perdu une demi-encablure de son avance.

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