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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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forcer, il lui sembla qu’une lame de feu lui tranchait le dos.  
    Sur sa gauche, il entendit une voix faible murmurer :  
    — Tu es revenu à toi ? Tu as de la chance. J’aurais préféré m’évanouir, moi aussi.  
    Péniblement, il dégagea son nez de la paillasse et parvint à glisser un œil dans la direction d’où venait la voix. A un pied de lui, il reconnut le profil mince de Bottereaux se détachant en contre-jour sur un sabord entrouvert. Ils devaient se trouver dans le faux-pont du chirurgien.  
    — C’est vous, lieutenant ? Qu’est-ce qui nous est arrivé ?  
    — Un coup de chance, Hazembat : nous sommes les deux seuls survivants de la timonerie.  
    Il se souvenait, maintenant, et revit la boucherie dans laquelle Verdier avait succombé.  
    — Et l’Anglais ? Nous avons gagné ?  
    — Il n’y a pas eu de combat. L’Anglais s’est contenté de nous saluer au passage et il a filé. Il n’y a que la timonerie et la cabine du commandant qui ont pris. Les charpentiers sont déjà en train de réparer. D’ici que nous arrivions à Brest, il n’y paraîtra plus.  
    — Sauf pour nous.  
    — Ne te plains pas. L’éclat de bois qui t’a ouvert le dos jusqu’à l’omoplate aurait pu te couper en deux. Tu as perdu beaucoup de sang, mais le chirurgien dit qu’on te voit les côtes et qu’elles sont intactes. On te recoudra à Brest.  
    — Et vous ?  
    — Moi, c’est plus ennuyeux. On va m' amputer le pied droit. Je ne serai jamais amiral, Hazembat.  
    — Pourquoi ? Il paraît que les Anglais ont un amiral manchot !  
    — Nelson ? Il était amiral avant. C’est toute la différence. A la rigueur, un amiral pourrait même se passer de sa tête. Pas un candidat lieutenant.  
    — Qu’est-ce qui s’est passé ?  
    — Quoi ? La fausse manœuvre ? Guillotin a pris un risque, mais j’ai l’impression que Demaison devra s’expliquer devant la cour martiale. Nous aussi, peut-être… si la gangrène nous laisse survivre jusque-là !  
    Hazembat hurla quand le chirurgien versa une tasse de tafia dans sa plaie et lui mit un emplâtre de poudre de charbon.  
    — Quel jour sommes-nous, lieutenant ? demanda-t-il quand il reprit haleine.  
    — Le 15 Germinal. Pourquoi ? Ce ne sera pas une date historique.  
    — Ça fait le 4 avril. J’ai vingt et un ans aujourd’hui.  

CHAPITRE XIII :
LA COUR MARTIALE
    L’escadre de Bruix, forte de vingt-cinq navires, appareilla le 7 Floréal. Hazembat l’apprit à l’infirmerie de la marine à Brest, où, depuis plus de trois semaines, il gisait sur le ventre dans une salle encombrée, parmi les râles et les gémissements. Sa plaie, recousue au fil de chanvre par un étudiant de l’école de médecine, s’était mise à suppurer au bout de quelques jours. Il connaissait d’amère expérience la douleur sournoise de l’infection et le pesant vertige de fièvre qui l’accompagnait. Deux fois par jour, un convalescent préposé aux soins l’aidait à laper une écuelle de soupe claire et à faire ses besoins.  
    L’étudiant qui l’avait recousu revint changer son pansement le cinquième jour.  
    — La réunion par première intention est commencée dans la partie supérieure de la plaie, déclara-t-il d’un ton docte. Pour le reste, il faut attendre que l’abcès se déclare.  
    Il fallut attendre huit jours et, cette fois, ce fut un médecin qui vint. Il ôta le pansement souillé et palpa les abords de la plaie.  
    — Le pus se forme bien, dit-il. Il faut laisser ramasser.  
    Il prescrivit un emplâtre émollient. Quand il revint, cinq jours plus tard, il tâta le front brûlant d’Hazembat et annonça qu’il allait inciser.  
    — Ton deltoïde est recollé, mon garçon. Si tu t’en tires, tu pourras soulever des poids de cent kilogrammes, mais, si je n’ôte pas l’infection qui attaque la base de ton trapèze, tu risques de n’en avoir jamais l’occasion.  
    La douleur du scalpel fut suraiguë et Hazembat perdit un instant connaissance. Quand il revint à lui, il se sentit soulagé. Le médecin lui mit sous l’œil une coupelle pleine d’une matière visqueuse, jaune et sanguinolente.  
    — Un pus parfaitement sain. Pas la moindre odeur de gangrène.  
    Il fit poser un drain de verre et, à l’exception de son infirmier de fortune, Hazembat ne vit plus personne pendant un temps qu’il lui était impossible d’évaluer. Dans la grande salle voûtée où ne

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