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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Bernard savait qu’il le savait, mais il était incapable de le dire.  
    —  La revolucion, dit-il, qu’es com un matin d’estiu…  
    Un matin d’été… Pour le moment, c’était l’après-midi et la chaleur devenait de plus en plus lourde. Les sommets de gros nuages blancs apparaissaient au-dessus des maisons, en direction de Toulenne.  
    L’appel achevé, les compagnies et les escouades se trouvèrent à peu près alignées sur l’esplanade. Il y avait trois compagnies de trois escouades, à peu près cent vingt hommes.  
    — Volontaires de Langon ! cria Jude. Je vais vous lire la liste des officiers que le comité des électeurs propose à votre libre élection !  
    A l’appel de leurs noms, les capitaines, les lieutenants, les sergents et les caporaux sortirent du rang.  
    — Volontaires de Langon ! Veuillez, par vos acclamations, faire connaître votre libre volonté !  
    Toute la foule répondit par les cris de mille voix venant de tous les coins des Allées, de l’esplanade, des rues, des balcons, des toits.  
    « Vive la Nation ! Vive le Roi ! »  
    Jude leva la main pour obtenir le silence. Par-dessus le tumulte à peine atténué, il cria :  
    — Messieurs les officiers, veuillez mettre vos hommes en place pour le défilé !  
    Il fallut un bon quart d’heure avant qu’un peu d’ordre s’établît dans la cohue. Enfin, les trois compagnies furent à peu près alignées, les fusiliers en tête, les grenadiers et les voltigeurs derrière. Si flottante qu’elle fût, la forêt de baïonnettes et de piques qui se dressa au commandement de porter les armes frappa les spectateurs d’étonnement, comme s’ils prenaient soudain conscience de la force nouvelle qui venait de naître devant eux.  
    Ce soir-là, on dansa dans toute la ville. Aux Allées Maubec, aux Allées Marines, devant l’hôtel de ville, devant l’église Saint-Gervais et au port, naturellement, fifres, vielles et hautbois donnèrent le branle aux rigaudons et aux gigues et un matelot basque mena la sarabande au son de son chistu. De la fenêtre de la Maison du Port, tante Rapinette et tante Laure regardaient Hazembat et Hazembate danser sur le quai glissant, l’une avec désapprobation, l’autre avec attendrissement. Bernard aurait bien voulu danser lui aussi, mais on avait envoyé les filles se coucher et Pouriquète était depuis longtemps rentrée à la maison de la rue Saint-Gervais. Il se contentait de regarder les danseurs en compagnie de Jantet.  
    Perrot survint, soucieux.  
    — Le vent a complètement viré au sud, dit-il. C’est de l’orage pour cette nuit. Ne vous éloignez pas, les enfants.  
    Tignous qui passait, hilare, le prit par le bras.  
    — Viens trinquer à la Nation, frérot !  
    Devant l’auberge de Poudiot, Mingehort avait mis une barrique en perce et les hommes se pressaient autour d’elle.  
    Tandis que le jour baissait, la chaleur devint de plus en plus suffocante. Des éclairs encore lointains révélaient par instants les lourds nuages violacés qui s’accumulaient au-dessus des vignes et des landes. Pourtant, lanternes, lampions et flambeaux s’allumaient partout. Après une pause pour la soupe du soir, la garde avait repris son tour de ville, mais les effectifs fondaient à vue d’œil à mesure que les volontaires désertaient le défilé pour se joindre aux danses et aux beuveries. Ils n’étaient plus qu’une cinquantaine derrière les tambours, mais tout un cortège de braillards avinés les suivait. On y pouvait voir Gavache, coiffé d’un bonnet rouge et porté sur les épaules de quatre compagnons, brandir une pique au bout de laquelle une citrouille figurait grossièrement une tête d’homme.  
    — A mort les ennemis du peuple ! clamait-il. A mort Roudié !  
    Précédés de porteurs de torches, les restes de l’armée patriotique dévalèrent la rue de la Brèche et débouchèrent sur le port où ils se diluèrent instantanément dans la cohue des buveurs devant les auberges. Son uniforme trempé de sueur, François Labat s’arrêta devant Perrot qu’Hazembat était venu rejoindre.  
    — Je ne les tiens plus ! haleta-t-il. Ces couillons sont capables de mettre la ville à sac quand ils auront assez bu !  
    Un coup de feu partit, puis un autre. Apparemment, on tirait en l’air.  
    — Je me demande où ils ont trouvé de la poudre. Nous avions pourtant pris soin de ne pas leur en distribuer !  
    Déjà des meneurs

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