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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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saler. Le deuxième et le troisième jour, on préparait les confits qui allaient reposer sous la graisse dans les toupins de terre et on faisait les gratons. Les enfants avaient pour rôle d’abord de récurer sur les os la moindre parcelle de maigre, puis de touiller la chair hachée dans de grands chaudrons de cuivre. La journée se terminait quand on se bousculait autour des chaudrons pour recueillir avec les doigts les derniers et délicieux honsots de graisse fine.  
    Ce soir-là, les participants mangeaient ensemble une fricassée faite avec des morceaux prélevés sur toutes les parties de la bête. Le repas du cochon – de loin le meilleur de toute l’année – était une occasion de goûter le vin de la dernière récolte.  
    Tignous, qui n’était jamais en retard pour manger ou boire, avait donné la main et ce fut lui qui eut l’honneur du premier verre. Il le leva d’un air solennel.  
    — A la Gironde ! dit-il.  
    — Pourquoi pas à la Garonne ? demanda Perrot.  
    — Parce que c’est notre nouveau pays. Il n’y a plus de sénéchaussées, plus de généralités, plus de provinces, mais des départements. Désormais, nous n’habitons plus dans la province de Guyenne-Gascogne, mais dans le département de la Gironde !  
    — Ça va t’en faire, des nouveaux droits de péage à encaisser, Tignous !  
    — Tu te trompes, Hazembat : tous les droits de péage vont être supprimés, sauf aux frontières nationales. Je vais me remettre à la menuise avec La Sègue.  
    — Pierre La Sègue, le fils de Louis Escarpit du Chasseur ?  
    — Oui, nous allons monter un chantier de réparation de bateaux sur Toulenne, au port de Bazas.  
    — C’est une bonne idée. Les chantiers, ça manque. Capulet en sait quelque chose, lui qui a mis plus de six mois à radouber ! Mais le bois se fait rare et la marine royale en consomme. Rien que pour construire un navire comme l’ Argonaute, il faut deux cents arpents de haute futaie. Maintenant, on est obligé d’aller chercher le chêne jusque dans les Pyrénées !  
    — Justement, le Chasseur avait des idées là-dessus. Tu as entendu parler de Brémontier, l’ingénieur des Ponts et Chaussées de Bordeaux ?  
    — Oui, c’est un homme compétent.  
    — Tu sais qu’il a fait planter des pins sur les dunes de l’Océan pour fixer les sables. Il y a un cousin de La Sègue qui est jardinier et qui travaille avec Brémontier à Bordeaux. Il avait persuadé le vieux Chasseur de semer des pins sur un terrain de sable qu’il avait du côté de Villandraut et où il faisait pousser l’acacia pour ses piquets de vigne.  
    — Et ça marche ?  
    — Il est trop tôt pour dire. Les plants ont à peine cinq ans d’âge, mais ils viennent bien. Il paraît qu’à trente ou trente-cinq ans ce pin-là donne du bon bois d’œuvre.  
    — D’ici que tu puisses utiliser ce bois sur ton chantier, tu approcheras des soixante-dix ans, si Dieu te prête vie !  
    — Je pense aux enfants, Perrot, pas aux miens puisque je n’en ai pas, mais aux tiens. Jantet a la main faite pour le bois. Quand me l’envoies-tu en apprentissage ?  
    — On fera le contrat au printemps, si tu veux. Il sera d’âge. Que dises, Jantet ?  
    — Mes jo que voi estar matelot, pair !  
    —  Eh, tu seras charpentier de marine comme je l’ai été ! Demande à Hazembat : quand nous avons démâté le Trojan à Chesapeake, il nous avait fameusement astiqué la coque à bâbord avec quatre salves à bout portant. Il a fallu remplacer trente pieds de bordage en pleine tempête pendant que le capitaine d’Estaing maintenait la gîte à tribord pour empêcher l’eau d’entrer ! C’est du vrai travail de matelot, ça, hilhot !  
    — E jo, que vau haser, pair ? demanda Bernard à son père.  
    — Toi, pour faire un apprenti marin, tu es encore un peu jeunot, mais écoute, puisqu’on en est au temps des étrennes, je vais te proposer quelque chose qui va te faire plaisir. Début janvier, je fais un aller-retour sur Marmande. Si tu veux, je t’embauche pour cette course.  
    Les yeux de Bernard luisaient de joie.  
    —  Marmanda, e’s luenh de las Antilhas ? demanda Pouriquète dont les yeux luisaient aussi, mais de larmes.  
    Tout le monde se mit à rire.  
    — Si tu fais le tour du monde à l’envers, répondit Hazembat, Marmande, c’est la première escale pour les Antilles. Mais ne t’inquiète pas, Pouriquète, je te

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