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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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ramènerai ton amoureux avant dix jours !  
    — Tout de même, dit Capulet, c’est un voyage. On change de pays : Langon sera en Gironde, mais Marmande sera en Lot-et-Garonne !  
    Perrot hocha la tête en emplissant son verre.  
    — C’est très bien ainsi. Chacun chez soi : les gens du Haut Pays dans le Lot-et-Garonne, les gens du Bas Pays dans la Gironde. Mes amis, buvons aux Girondins !  
    Marmande fut le premier voyage d’Hazembat et il y prit un plaisir extrême. Il se lia d’amitié avec Navarrot, le jeune marin basque qui avait mené la sarabande sur le port lors de la fête de la garde nationale. Son père lui expliquait les manœuvres et lui indiquait les pièges de la rivière. Sans cesse, il s’affairait sur le tillac glissant pour aider à embraquer et amarrer l’écoute lors de chaque changement d’amures. Le reste du temps, il s’escrimait sur la pompe rudimentaire qui servait à maintenir l’eau de la sentine à un niveau raisonnablement bas. Les gestes lui venaient naturellement, comme s’il les avait toujours portés en lui, dans ses mains, dans ses jambes, dans tous les muscles de son corps.  
    C’est à regret que, le dixième jour, vers midi, à travers un rideau de pluie, il vit apparaître Langon. Il aurait bien voulu rester à bord du courau qui devait poursuivre sa route vers Bordeaux, mais son père s’était montré inflexible.  
    — Par un temps pareil, la basse Garonne, ce n’est pas de la bagatelle !  
    Le courau accosta directement les marches de la Maison du Port où affleurait tout juste la rivière. Bernard aida Navarrot à tirer la planche.  
    Dès que le bateau eut disparu derrière les rafales en direction de Toulenne, sans même prendre le temps de se sécher malgré les objurgations de sa mère, Bernard courut chez Pouriquète lui raconter le premier de ses voyages.  
    Dans la boutique des Dubernet, il y avait foule autour de Capulet qui brandissait au bout des doigts un petit rectangle de papier.  
    — C’est un assignat, expliquait Capulet. Il représente une part des biens du clergé dont la Nation est devenue propriétaire.  
    —  Diu’ns perdone ! dit une commère en se signant.  
    — Qu’il nous pardonne ou non, si la Nation a besoin de fonds, je ne commets aucun péché en lui prêtant, au denier vingt cinquante livres gagées sur des biens !  
    Bernard avait retrouvé Pouriquète. Elle était avec Jantet et les autres enfants Dubernet dans l’arrière-boutique. Il se mit au garde-à-vous et toucha du poing une mèche de son front, à la manière des marins.  
    — Matelot Hazembat, pour vous servir, capitaine !  
    — Tu n’as pas eu le mal de mer ? demanda Jantet d’un ton ironique où perçait l’envie.  
    — Penses-tu ! renchérit Capsus. Marmande, c’est une promenade pour marin d’eau douce !  
    Il était envieux, lui aussi, et Bernard en fut, sur le moment, désarçonné.  
    — Hazembat a dit que Marmande, c’était la première escale pour les Antilles ! s’écria Pouriquète.  
    — A condition que la terre tourne à l’envers ! Pouriquète regarda Bernard dans les yeux.  
    — Matelot Hazembat, à votre prochain voyage, vous me rapporterez une fleur de vanille pour mettre dans mes cheveux !  
    La fin de l’hiver fut difficile et inquiète. Des rumeurs d’émeutes descendaient du Haut Pays, le long de la Garonne. La garde nationale restait vigilante.  
    Le matin du 17 mai 1790, Tignous ouvrit à l’avant-dernière page le cahier à couverture jaune où il consignait les tours de service des compagnies. Hier, dimanche, la compagnie Dervy avait pris la relève de la compagnie Labat. Restait à mettre le cahier à jour. Tignous saisit sa plume et écrivit : «  Monte le 16 May la Patrouille…»  
    Un roulement de tambour l’interrompit. Il prêta l’oreille. Rrran !… ratapapapan !… rapan !… rapan !… rapan !… rapan !… rrran !… Il fronça les sourcils et posa sa plume. Depuis l’été, on n’avait entendu battre la générale qu’une fois, le 16 décembre, quand les gardes nationaux de Bordeaux étaient venus aider ceux de Langon à rétablir l’ordre troublé par les rivalités du maire et des électeurs. Mais, cette fois-ci, rien ne laissait prévoir l’alerte.  
    Par la fenêtre, il voyait des hommes se hâter vers les jardins des Capucins, surpris sans doute comme lui. Heureusement, il n’avait pas grand chemin à faire. Rapidement, il enfila sa

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