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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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qu’il reprenait conscience, Bernard percevait le roulement doux du navire, indiquant qu’il était à l’ancre.  
    — Où sommes-nous ?  
    — Dans la baie de Chesapeake, à une vingtaine de milles de Baltimore.  
    — Nous sommes au mouillage ?  
    — Oui, et pour un bon bout de temps. C’est la quarantaine.  
    — Il y a eu une épidémie à bord ?  
    Il distinguait bien Sven et Mondin maintenant. Tous deux avaient l’air épuisé.  
    — Epidémie n’est pas le mot. La fièvre jaune est infectieuse, mais elle n’est pas contagieuse comme d’autres maladies. On ne se la passe pas de l’un à l’autre : on l’attrape ensemble en certains endroits, on ne sait trop comment. Vous avez tous dû ramener ça de la Guadeloupe.  
    — Il y en a beaucoup qui l’ont eue ?  
    — Une quinzaine.  
    — Et il y en a beaucoup qui sont… morts ? Sven et Mondin échangèrent un regard.  
    — Toi et Sam Billings, dit gravement le médecin, êtes les deux seuls rescapés.  
    — Et les autres, qui sont-ils ?  
    — Le chirurgien de bord a été un des premiers. C’est pour ça qu’on est venu me tirer de derrière mes fourneaux. Il y a eu aussi Béthencourt. Son sang bleu ne l’a pas sauvé.  
    — Qui encore ?  
    — Tu vas avoir de la peine, Hazembat. Le dernier à mourir, il y a trois jours, a été Lacaste.  
    Etrangement, ce fut plus facile à supporter qu’il n’aurait cru. Lacaste était un marin et il y avait tant de façons de mourir sur l’eau ! Des disparitions comme celle de Lacaste, on en apprenait parfois plusieurs par saison sur la Garonne.  
    Le lendemain, Mondin fit porter Bernard et Sam sur le pont pour qu’ils se purifient le sang à l’air frais. Leurs têtes étaient proches de la coupée. A grand-peine, Bernard se hissa sur un coude et jeta un regard.  
    — Il y a une petite île à deux encablures.  
    — Oui, répondit Sam. C’est là qu’on nous porte le ravitaillement de la terre ferme. Pendant la guerre d’Indépendance, les navires français se servaient de cette île pour y entreposer le matériel destiné aux insurgés et on envoyait de petits schooners pour le transborder jusqu’à la côte. Les Anglais ont souvent essayé de mettre la main dessus, mais ils n’y sont jamais arrivés.  
    Une idée frappa Bernard.  
    — Au-delà du cap, sur la droite, il n’y a pas une crique ?  
    — Si. C’est là qu’on mouillait au nez et à la barbe des Anglais.  
    Encore une fois, Bernard voyait avec émerveillement les boucles du destin se refermer autour de lui. Bien sûr, cette île ne pouvait être que celle devant laquelle l’ Argonaute avait affronté le Trojan.  
    Sam penchait la tête.  
    — Il y a une vieille épave qui pourrit sur le haut-fond, à gauche.  
    — C’est le Spite ! cria Bernard. Il a été démâté par le navire de mon père ! Où est-il ? Je veux le voir !  
    Frénétiquement, il tenta de se lever, mais à peine eut-il mis les pieds sur le pont que la tête lui tourna et qu’il s’évanouit. Quand il revint à lui dans l’entrepont, Mondin penchait vers lui un visage sévère.  
    — Bougre d’abruti ! Quand comprendras-tu que tu n’es pas encore guéri ? Si je ne t’avais pas saigné sur place, tu étais capable de me faire un coup de sang !  
    L’ictère se déclara au cours de la nuit et Bernard dut demeurer couché tout le reste de la quarantaine, buvant force eau de citron que lui apportait Sven dans des calebasses. De temps en temps, O’Quin venait le voir.  
    — Ça va mieux, lui dit-il un jour. Tu commences à être un peu moins jaune que les citrons dont tu bois le jus, mais tu auras besoin de te refaire. Quand nous serons à Baltimore, je t’enverrai en convalescence chez mon vieil ami Alexis Prunes Duvivier avec qui je suis entré en contact par le courrier de la quarantaine. Tu dois avoir entendu parler de lui. Il fréquentait le docteur Graullau à Langon.  
    — Ce n’était pas un conseiller au Parlement de Bordeaux ?  
    — Si, mais en 1791 il est allé s’installer banquier à la Martinique. Maintenant, il a une plantation à Baltimore. Il se pique un peu de médecine et il est prêt à prendre soin de toi.  
    Quand, au début de juin, l’ Abigail fut autorisée à remonter la rivière Patapsco jusqu’à Baltimore, Bernard avait retrouvé son teint normal. Très amaigri, il avait dû réapprendre à marcher avec l’aide de Sven et de Sam, mais il

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