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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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échangé quelques bordées et nous sommes arrivés si près que j’ai reconnu Le Coadic à la barre, à côté de Lesbats. Mais elle avait le dessus du vent sur nous et elle a réussi à nous échapper. Lesbats est devenu le cauchemar de l’escadre.  
    — Tu as l’air d’en être fier.  
    — Je le suis ! Pas toi ?  
    — Ce serait dommage de te faire tuer par d’anciens camarades.  
    — J’en ai autant à leur service. C’est le jeu, old chap : que le meilleur gagne et sans rancune !  
    En regagnant Batabano, Bernard était songeur. Plusieurs fois, sa main alla toucher la cocarde sur sa poitrine. Il se souvenait des premiers jours de la Révolution avec le sentiment confus et amer de n’avoir connu de ce mascaret vivifiant que l’écume saumâtre et sale que le flot chasse dans les bras morts. Il faillit arracher la cocarde et la jeter, puis il pensa à la fleur de vanille qu’elle contenait. La double et violente nostalgie de Pouriquète et de Belle serra sa poitrine en un spasme douloureux qui arrêta son bras.  

CHAPITRE VIII
LE CORSAIRE
    Vers la mi-août, par un matin étouffant et lourd de nuées, Bernard, préparant la barque à l’appontement, entendit un grondement qu’il prit d’abord pour le tonnerre.  
    Sam, qui était venu le rejoindre, prêta l’oreille.  
    — C’est le canon, dit-il. On se bat en mer.  
    Deux îlots, à quelques milles du rivage, leur masquaient l’horizon, mais bientôt ils virent une voile lointaine qui se dirigeait en droite ligne vers la pointe du cap Zapata dont le fort gardait l’entrée de la baie de Batabano.  
    Le mulâtre arrivait, hurlant des paroles indistinctes et brandissant un télescope dont Sam s’empara aussitôt.  
    — Il va se mettre à l’abri des batteries espagnoles, dit-il après avoir ajusté l’oculaire. A mon avis, c’est un sloop anglais, mais il a eu du mal !  
    A son tour, Bernard regarda. Grise et floue, l’image dansait constamment, mais il distingua le contour de la coque et les traits sombres des mâts. L’un d’entre eux paraissait coupé court.  
    L’adversaire qui poursuivait le petit navire était encore hors de vue, mais une série de grondements profonds courut sur la crête des vagues.  
    — C’est la batterie qui tire une salve d’avertissement sur l’ennemi, dit Sam. Ils sont encore trop courts.  
    Toutes voiles dehors, un grand trois-mâts surgit de derrière une langue de terre et fonça vers le sloop.  
    — C’est un Français, cria Sam. Je vois la flamme tricolore !  
    Un nouveau grondement roula sur la baie.  
    —  Good heavens ! Ce n’est pas le Français qu’ils encadrent, c’est l’Anglais !  
    Ils se regardèrent, n’osant comprendre. Depuis quelques jours, des rumeurs venues de La Havane parlaient d’une paix séparée entre la France et l’Espagne et d’un renversement des alliances.  
    Le mulâtre, cependant, jacassait éperdument, faisant de grands gestes. Pour la première fois, Bernard et Sam prêtèrent attention à son charabia.  
    —  Espana, Inglaterra, pof ! répétait-il en écartant les bras. Francia, Espana, amigo ’, si !  
    Bernard le prit au collet de la chemise.  
    — Tu veux dire que la guerre est finie avec la France ?  
    —  Si ! si ! Francese’bueno ’  ! Inglese’se marchan ! Malo ’  !  
    —  Ils tirent au but, maintenant, dit Sam, l’œil toujours collé à l’oculaire.  
    Le navire français arrivait peu à peu à portée de canon de sa proie. Soudain, le grondement, continu maintenant, monta d’un ton, plus clair et plus sec. Des minutes s’écoulèrent qui paraissaient des heures. Silencieux, les trois hommes gardaient l’œil fixé sur le point lointain où se déroulait le combat. Bernard imaginait l’enfer à bord du sloop anglais, les chairs écrasées par les boulets, déchiquetées par la grenaille, labourées par les éclats de bois sur le pont ravagé et ruisselant de sang. Violente, l’image du lougre canonné par Roumégous au large des Antilles s’imposa à son imagination et il se mit à trembler d’horreur.  
    Ekwé était venu les rejoindre. Une main en visière, il observait, lui aussi, l’horizon.  
    —  Humo ! dit-il soudain en tendant le doigt.  
    — De la fumée ?  
    Bernard saisit le télescope. Effectivement, un champignon noir commençait à bourgeonner au-dessus du navire anglais. A son tour, Sam regardait.  
    — Ils ont mis des canots à la mer et

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