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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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par leur fournir ce qu’ils demandaient, plus deux cruches de tafia de canne contre un dollar d’argent des Etats-Unis. Comme il devait faire une bonne affaire, il ajouta pardessus le marché une poignée de grandes feuilles brun doré.  
    —  Mascar ! dit-il.  
    —  Mascalhar, traduisit Bernard. C’est du tabac à chiquer !  
    Sans attendre, il déchira un morceau de feuille, le froissa dans les mains comme faisait son père et le mit dans sa bouche. Le goût était d’abord séduisant, puis l’arôme épicé du tabac envahit brutalement ses narines et le fit éternuer. Quand la première gorgée de salive passa son gosier, il eut une nausée. Il cracha la feuille en toussant, l’estomac soulevé.  
    — Il ne faut pas avaler le jus ! lui dit Sam en débouchant une des cruches de tafia. Bois un coup, matelot, et tout ira bien !  
    Tout alla bien, en effet, et, tête de mule, Bernard recommença immédiatement l’expérience. Cette fois, il attendit que la salive emplît sa bouche pour l’expulser d’un mouvement précis des lèvres, comme faisait le père Hazembat.  
    Rhum, tabac, soleil, mer, les jours passèrent incroyablement vite. Ekwé, vigoureux et adroit, était partout en même temps, souriant toujours de ses dents blanches, relevant les nasses et entassant les grosses langoustes fauves et bleues dans le baquet rempli d’eau. Sam tenait la barre et Bernard n’avait guère qu’à surveiller la ligne.  
    Quand il tirait à pleins bras un gros poisson argenté fouettant furieusement l’eau tout autour de la barque , Ekwé se penchait à mi-corps pour saisir la prise qu’il assommait d’un coup sec sur la tête et qu’il brandissait triomphalement en dansant une gigue et en criant à tue-tête : «  Ho ! Yamba ho ! »  
    Le soir, ils portaient les langoustes au vivier et faisaient griller leur poisson sur un feu de bois flotté. Ils dormaient à même la plage, dans la tiédeur apaisante de la brise de mer.  
    Une fois par semaine, un chariot chargé de cuves prenait le chemin de La Havane où les langoustes étaient destinées à la table des grands. Vers la fin de mai, Sam l’accompagna pour prendre contact avec Mac Nabb. Il revint avec des nouvelles incertaines.  
    —  L ’Abigail devrait entrer au radoub la semaine prochaine, mais ce n’est pas facile. Les Dons ne sont pas pressés.  
    Il y eut quinze jours de beau temps, entrecoupés d’orages violents mais brefs, pendant lesquels la barque allait se réfugier dans un des îlots de la baie de Batabano. Une fois même, ils passèrent la nuit dans une crique de l’île aux Pins.  
    Puis ce fut le tour de Bernard d’aller à La Havane. Il trouva Mac Nabb de fort méchante humeur. Les choses n’avançaient guère.  
    — Ils disent que leurs chantiers sont pleins et que les navires de guerre ont la priorité. Je ne sais pas ce qu’ils mijotent, mais cela ne fait pas mon affaire !  
    En sortant de l’hôtel, Bernard heurta involontairement deux officiers de marine. L’un, en uniforme blanc chamarré, avait la mine altière d’un Espagnol de haute naissance. L’autre, vêtu beaucoup plus sobrement de bleu et d’or, portait un bicorne galonné. Il se retourna vivement vers Bernard.  
    —  Mind where you step, man !  
    —  Sven ! s’écria Bernard.  
    —  Bernard, old chap ! Je ne m’attendais pas à te trouver ici !  
    Faisant de rapides excuses à son collègue espagnol, Sven conduisit son ami à une table.  
    — Raconte !  
    — Bah, il n’y a pas grand-chose à raconter : des tempêtes, du travail… et des femmes.  
    — Pas de coups de canon ?  
    — Pas un seul. Et toi ?  
    — Moi, si, beaucoup. Nous avons eu de lourdes pertes, ce qui me vaut d’être sixième lieutenant à titre temporaire. Je passerai mon examen l’an prochain à la Jamaïque.  
    — Vous vous battez contre les Français ?  
    — Oui, ils commencent à s’enhardir depuis que nos alliés continentaux nous lâchent.  
    — Quels alliés ?  
    — La Prusse, la Hollande… Ils ont fait la paix avec la France. Et l’Espagne ne va pas tarder à les imiter. Les corsaires s’en donnent à cœur joie…  
    Il but une gorgée de mohito et ajouta d’un air gêné :  
    — Nous avons même eu maille à partir avec la Belle de Lormont…  
    —  La Belle ? Où ça ?  
    — Au sud des Bahamas, le mois dernier. Elle tentait d’arraisonner un de nos navires marchands. Nous avons

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