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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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d’ici.  
    Au fond de son cœur, Bernard jura d’y aller pieds nus, comme une pénitence supplémentaire pour son infidélité envers Pouriquète. Puis il se dit qu’il n’y avait pas grand mérite, car il ne possédait plus de chaussures.  
    — Dimanche prochain, continuait Don Pedro, est le dimanche des Palmes… des Rameaux, comme on dit en France. Si vous partez le mardi ou le mercredi, vous ajouterez encore du prix à votre pèlerinage en arrivant au sanctuaire le jour de la Résurrection.  
    — Les Rameaux ? On est donc à Pâques ? Quel jour sommes-nous ?  
    Il s’apercevait soudain qu’il avait perdu toute notion du temps.  
    — Mais nous sommes le vendredi 7 avril de l’an de grâce 1797, mon fils. Qu’est-ce que cela a de surprenant ?  
    — Surprenant, mon père ? Cela veut dire que j’ai été repêché en mer le jour de mon dix-neuvième anniversaire !  
    Le regard de Don Pedro se fit grave.  
    — Pour le coup, mon fils, ce n’est pas à Compostelle que vous devriez aller, mais à Jérusalem, pour prier sur le Saint Sépulcre ! Que cela vous soit au moins un signe du Seigneur !  
    Bernard se mit en route le mercredi suivant de bonne heure, accompagné par tout le village jusqu’à la première crête. Don Pedro lui donna sa bénédiction. Irma avait cousu à son chandail une grande coquille ramassée sur la plage et Manœl lui avait taillé un solide bâton de cornouiller, long de sept pieds, auquel Marna Caria avait accroché une petite gourde contenant une potion contre tous les maux de la route. Après un dernier geste d’adieu à ses amis de Cedeira, Bernard prit gaillardement le chemin du Ferrol.  
    Il y arriva le soir et flâna un moment sur les quais pour regarder les navires de guerre à l’ancre ou au radoub. C’est à nuit tombée qu’il découvrit, près de l’Arsenal, la bicoque d’un cousin de Manœl qui lui offrit une écuelle de soupe et un lit de copeaux entre deux coques en construction. Dans les odeurs de menuise, il rêva des couraus tirés à sec au port de Langon.  
    Entre le Ferrol et Santiago, il traversa une région peu habitée. Un fond de marmite à Betanzos, un quignon de pain de maïs le jour du Vendredi Saint à Ordenes et des baies encore acides cueillies dans les buissons furent ses seules nourritures pendant ces trois longues journées. Il eut plus de mal à trouver de l’eau sur les landes rases qu’il traversait. Des giboulées venues de l’ouest le rafraîchirent. Bouche ouverte, il tournait la tête vers le vent pour mieux sentir la saveur de l’eau de pluie sur sa langue.  
    Le matin de Pâques était sans nuages. Le jour était à peine levé quand, un peu avant Santiago, il rejoignit la grand-route de Lugo dont le gravier meurtrit cruellement ses pieds. Jusque-là, il avait pu marcher à travers champs, sur l’herbe courte parsemée de fleurs de printemps. Maintenant, il lui fallait suivre le flot qui s’écoulait vers le sanctuaire. Mêlés aux chariots et aux voitures de maîtres, des dizaines d’autres pèlerins se pressaient sur la chaussée étroite. Certains allaient en bande, récitant des litanies ou chantant des refrains de route. D’autres marchaient seuls, suant sous leurs lourdes pèlerines constellées de coquilles. La plupart portaient aussi des coquilles et des médailles pieuses sur leurs chapeaux à larges bords.  
    A mesure que l’on avançait, des cortèges descendus des villages se joignaient à la foule en chantant des cantiques. Ils étaient précédés de bannières et de plates-formes portées à dos d’homme, sur lesquelles des mannequins représentaient des scènes de la Passion du Christ. Les porteurs étaient coiffés de cagoules faites de sacs percés de trous pour les yeux. Sur la crête proche, de part et d’autre de la route, les cloches de deux petites chapelles sonnaient à toute volée dans le vent.  
    Enfin, la dernière côte franchie, Santiago apparut, pelotonné au pied d’une colline. Bernard fut déçu : la ville n’était pas très grande et elle était comme écrasée par rénorme masse de la basilique qui occupait plus de place que les maisons. On ne voyait d’abord qu’elle, puis les clochers commençaient à pointer de l’amoncellement confus des édifices, signalés par l’égrènement lointain de leurs carillons que la brise de mer apportait par bouffées. Les pèlerins les reconnaissaient et les nommaient : San Martin Pinario, San Miguel, Santa Maria

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