Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
et douloureux.  
    — Savez-vous, mon fils, dit Don Pedro en sortant du confessional, que vous avez éveillé la curiosité d’un vieil homme ? Pour mon édification, j’aimerais savoir de vos aventures autre chose que les péchés. Si vous ne répugnez pas à partager ma soupe de carême et mon vin d’abstinence, je serais heureux de vous écouter plus longuement en dehors de la confession.  
    La soupe de Don Pedro était une succulente matelote de poisson et son vin un porto savoureux, probablement de contrebande. Jusqu’au soir, tout en sirotant son verre, il écouta, posa des questions, fit des commentaires.  
    Dans le récit des premières années de la Révolution, le personnage de Vital Lafargue parut particulièrement l’intéresser.  
    — Je me suis souvent demandé ce qu’il fallait penser de vos curés sans-culottes. Ils sont, certes, condamnables d’avoir pactisé avec une sédition sans Dieu, mais, contrairement à l’opinion généralement répandue en Espagne, je ne suis pas loin de penser qu’ils trouveront plus facilement grâce devant leur Juge que certains petits abbés de cour que j’ai connus à Versailles du temps de Louis   XV et dont j’ai, hélas, fait partie. On ne se sépare pas impunément de l’Eglise, mais on ne se sépare pas non plus impunément du peuple de Dieu… N’allez surtout pas raconter à mon évêque que je vous ai dit cela, ajouta-t-il d’un air faussement effrayé.  
    Puis il demanda à Bernard ce qui l’avait le plus frappé durant ses voyages.  
    — Je veux dire ce qui a frappé votre conscience, non votre imagination ou vos appétits.  
    — Ce sont les nègres, répondit Bernard sans hésiter.  
    — Vous voulez dire les esclaves ?  
    — Oui… mais aussi les nègres en général… et même d’autres gens…  
    Il avait du mal à trouver ses mots. Le malaise qu’il éprouvait remontait au jour où il était entré dans la demeure des O’Quin, quai des Chartrons, à Bordeaux.  
    — Mon père, demanda-t-il enfin, est-ce qu’on a tort de dire que tous les hommes sont égaux ?  
    — Ils le sont, certes, devant Dieu, mais, en ce bas monde, l’inégalité doit être acceptée comme une épreuve de leur foi par ceux qui sont au-dessous, comme un rappel de leurs devoirs de chrétiens par ceux qui sont au-dessus.  
    — Pardonnez-moi, mon père, mais je ne sais pas si les esclaves comprendraient bien ce que vous dites.  
    — C’est à nous, chrétiens, de le leur faire comprendre. Comme l’a fort bien montré le frère Bartolomé de Las Casas, l’esclavage est une institution abominable mais, puisqu’elle existe parmi les hommes, il appartient aux maîtres de considérer leurs serviteurs comme des âmes qui leur sont confiées et dont ils doivent prendre soin. Votre protectrice de Baltimore, avec qui vous avez si vilainement commis le péché de chair, avait raison dans ses mots, même si elle avait tort dans s es actes. Par contre, son beau-père, le négociant, m’inspire plus de réserves. Ce sont des gens comme lui qui ont conduit votre pays où il est.  
    — M. Prunes Duvivier ? Mais il a émigré !  
    — S’il était resté en France, il serait sans doute devenu, comme bien d’autres, révolutionnaire et républicain, mais par intérêt, non par amour de ses semblables et charité chrétienne. Si je suis bien informé, il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient parmi ceux qui ont envoyé le Roi Très Chrétien à la guillotine.  
    Un peu plus tard, Don Pedro demanda :  
    — Je suppose que vous désirez retourner dans votre malheureux pays ?  
    — Oui, mon père, et le plus vite possible ! L’image qui s’imposait à lui à ce moment était celle de Pouriquète telle qu’elle était, le matin où ils s’étaient embrassés en amoureux pour la première fois, dans le vieux quartier des Carmes, rajeuni par la Révolution. Il lui avait juré qu’il ne la trahirait jamais et, malgré l’absolution de Don Pedro, se sentait assez mal à l’aise. Il lui semblait que la fleur de vanille, dans la doublure de la cocarde, lui brûlait la poitrine comme une braise du Purgatoire. Don Pedro le regardait malicieusement.  
    — Avant d’aller retrouver les vôtres, vous n’en aurez que plus à cœur de faire le pèlerinage de Saint-Jacquesde-Compostelle que je vous ai donné comme pénitence.  
    Vous aurez plus de chance que beaucoup de pèlerins : ce n’est qu’à cinq jours de marche

Weitere Kostenlose Bücher