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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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révolution pour cela.  
    — Tout de même, vous avez le Roi d’Espagne, des nobles, un clergé…  
    — Il y a des nobles qui portent des noms basques et c’est leur affaire. Quant au Roi d’Espagne, il règne à l’Escorial comme la République à Paris. Mais nous, ici, nous sommes tous des hommes libres. Nous avons des riches et des pauvres, mais la voix de l’un ne parle pas plus haut que la voix de l’autre et personne n’est l’esclave de personne. Quant au clergé, les Basques sont de bons catholiques, mais, tout curé que je suis, je n’ai pas plus de pouvoir que n’importe lequel des pâtres que tu vois dans la montagne. Quand nous avons besoin d’un chef, nous le choisissons nous-mêmes.  
    — Vous êtes donc républicains, comme les Français ?  
    Les sourcils froncés, Don Gorka s’arrêta et regarda Bernard.  
    — Et toi, tu es républicain ?  
    — Bien sûr.  
    — Alors, méfie-toi de la République que tu vas trouver en France. Je crains qu’elle ne te déçoive.  
    Ce fut la seule discussion politique qu’ils eurent pendant tout le séjour de Bernard à l’ermitage de San Pelayo. Don Gorka lui enseignait à tresser la paille et à tailler le bois. De temps en temps, des voiles se montraient à l’horizon, indiquant que la flotte anglaise restait vigilante. Parfois la flottille de pêche des Bermeanos s’éparpillait devant San Juan, suivant les bancs de poissons. Par beau temps, il arrivait qu’un caboteur se faufilât en direction de Santander ou de Donosti, serrant la côte au plus près.  
    Un matin de juin, Bernard, après la messe, était allé s’accouder à la murette qui dominait la mer quand il vit une grosse barque de pêche qui cherchait un passage entre les écueils. De la voix et du geste, il la guida vers le seul accostage accessible et seulement par temps calme. Puis il dégringola des rochers et tomba dans les bras de Navarrot qui venait de mouiller la barque devant une minuscule plage de gravier.  
    — La marée tourne dans une heure, dit Navarrot. Tu es prêt à t’embarquer ? Comment va ton épaule ?  
    — Tout à fait bien. Je suis prêt.  
    Ensemble, ils remontèrent jusqu’à l’église où Don Gorka achevait de ranger l’autel. Les paroissiens étaient partis. D’une voix grave, Don Gorka dit en basque la prière des marins qui rentrent au port. Le bâton de pèlerin que Bernard avait rapporté de Galice était accroché parmi les offrandes.  
    Plus tard, quand la barque se déhala avec la pointe de marée et mit le cap au large, Don Gorka fit le signe de croix.  
    — Adieu, Bernard ! cria-t-il. Sois toujours un homme libre !  
    La pinasse sardinière était bonne marcheuse et son équipage de quatre hommes suffisait largement à la maintenir à son allure la plus avantageuse, mais Bernard ne se lassait pas de prendre part à la manœuvre, ivre de joie en sentant sous ses pieds la vivante respiration de la mer. Mais, quand la grande houle prit l’embarcation par trois quarts arrière, l’ivresse se transforma soudain en nausée et il vomit à grands hoquets douloureux, la tête au vent.  
    — Tu es resté trop longtemps à terre ! lui cria Navarrot. Il faut te refaire des pieds de marin !  
    Quand la nuit tomba, ils étaient en pleine mer, à une dizaine de milles au nord de Pasajes. Navarrot gouvernait plein est, tous feux éteints et se guidant aux étoiles.  
    Le ciel commençait à pâlir quand la barque toucha le sable. On devinait une plage basse à une vingtaine de toises.  
    — Le Boucau est à une demi-lieue, dit Navarrot. Tu y seras avant le jour.  
    Bernard posa le pied sur la terre de France à travers dix pouces d’eau salée.  
    — Quel jour sommes-nous ? demanda-t-il.  
    — Le 6 juin.  
    — De quelle année ?  
    — 1797, bien sûr. D’où sors-tu ?  
    — De la mer. C’est un endroit où l’on oublie le temps. Il y a trois ans et demi que je suis parti.  
    — On t’attend. J’ai fait passer le message.  
    Ils se donnèrent l’accolade, puis Bernard aida à dégager la barque qui s’effaça silencieusement dans la brume. Il gagna la terre ferme en pataugeant et se mit en route le long de la plage.  
    Il atteignit l’embouchure de l’Adour à l’aube. Dans le brouillard qui montait, il distinguait des bâtiments à l’ancre, caboteurs et gabares de rivière. Un chemin pavé longeait des entrepôts et des chantiers. Un groupe d’ouvriers allant sans doute

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