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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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    Il fit claquer son fouet, tandis que de grosses gouttes tièdes commençaient à s’écraser sur leurs visages et leurs mains.  
    — Si tu veux, reprit-il, puisque nous arriverons par le quartier des Sables, nous pourrons passer directement par la rue Saint-Gervais. Tu y verras toutes tes femmes. Ensuite, nous irons au port. Ton père et Perrot sont en plein calfatage : c’est la saison. Ils t’attendent avec impatience : un marin américain leur a dit qu’il t’avait vu à Chesapeake. C’est vrai ? Tu y es allé ?  
    — J’ai même failli y mourir de la fièvre jaune.  
    — Ça fait mal ?  
    — Plutôt.  
    — Et les coups de canon ?  
    — Ça fait du bruit.  
    Tandis que la pluie se mettait à tomber dru sur la lande, tout remontait dans sa mémoire : la baie de Baltimore, le visage de Lesbats au moment ultime, le corps luisant de Belle sur la plage, les esclaves dansant sur le pont de l’ Abigail, la voix d’Ekwé dans son oreille, le tonnerre de la caronade… La croupe pommelée du cheval tressaillit quand la foudre tomba sur un chêne, à gauche du chemin, et la charrette chassa dans l’ornière.  
    —  Hilhdeputa ! cria Lanusquet, qu’a paur de tot, aqueste cabalh !  
    Sur un nouveau claquement de fouet, le rideau de pluie se déchira et, au-delà des vignes, le clocher de Saint-Gervais apparut. Autour de lui, le paysage prit forme avec une implacable familiarité : à gauche, les vergers du Templiat, à droite, le foirail désert et, au-delà des fossés, les maisons accrochées les unes aux autres, si petites, si tassées, que Bernard se demanda comment il avait pu vivre tant d’années dans cet univers minuscule dont il embrassait les limites d’un coup d’œil.  
    Et, soudain, l’idée lui vint que Pouriquète était là, derrière un de ces murs. Il sentait contre sa poitrine la présence de la cocarde. Le parfum subtil de la fleur de vanille lui revint aux narines et son cœur chavira. Etait-ce de lui que Pouriquète se languissait ? Il posa la question qu’il avait jusque-là retenue.  
    — Tu ne m’as pas parlé de Jantet.  
    — Oh, lui, il a été enrôlé dans la marine de guerre dès ses dix-huit ans. Il est charpentier sur la Bayonnaise. C’est une corvette.  
    Ainsi, il y avait un autre absent.  
    — Tu l’as revu ?  
    — Oui, il a passé un mois ici, l’été dernier, avant de s’embarquer.  
    Jantet était amoureux de Pouriquète, c’était sûr. Il était resté seul à Langon avec elle tout un mois, alors que Bernard courait le Caraïbe avec Lesbats. La bouche amère, il remâchait son inquiétude.  
    Les sabots du cheval claquaient clair sur le pavé, traînant derrière eux le roulement lourd de la charrette. Au détour de la rue Saint-Gervais, la boutique des Dubernet apparut. Hazembate remettait l’étal en place après l’ondée. Au bruit de la voiture, elle se retourna, resta un moment figée, puis se mit à courir.  
    Il la sentait dans ses bras, noueuse et menue, qui tremblait d’émotion, la voix cassée :  
    —  Mon Bèrnardot ! Enfin qu’as tornat ! Deisha’t véder ! Mes com as crescut ! Qu’es u omi hèit adara !  
    Elle n’arrêtait pas de parler. Un peu pour la faire taire, Bernard se pencha de sa nouvelle stature pour poser un baiser sur la joue fraîche et finement ridée comme une pomme d’hiver.  
    Déjà, sa sœur Janote, grande gigasse ossue au visage rude comme le sien, et Castagne Dubernet, droite, mince et forte comme un jeune peuplier, sortaient de la boutique à grands cris. Puis Pouriquète apparut, accompagnant un Capulet amaigri qui portait toujours un bonnet rouge, mais délavé et sans cocarde. Elle s’arrêta sur le pas de la porte, les yeux rieurs éclairant son visage pâle et fin.  
    Bernard fut surpris. Il s’attendait à la trouver changée, mais il l’avait toujours imaginée vêtue de blanc et nimbée d’une douceur nostalgique, alors qu’il avait devant lui un petit bout de femme alerte en robe noire ajustée et portant la côha avec une grâce impertinente. Elle était frêle, certes, mais ronde de taille, de hanches et de poitrine. En deux bonds, elle fut à son cou, plantant ses lèvres sur sa joue râpeuse.  
    — Tu m’as porté ma fleur de vanille ? lui souffla-t-elle à l’oreille.  
    — Elle est cousue dans ma cocarde.  
    — Tu me la donneras quand nous serons seuls. Capulet fut plus cérémonieux.  
    — Heureux de te voir, mon

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