Marseille, 1198
l’anneau de fer que Cédric
portait au poignet. C’était bien son écuyer, mais revêtu de la casaque et des
chausses de Bartolomeo. Le groupe passa le pont-levis et sortit dans la
basse-cour.
— Je n’ai pas beaucoup de temps !
souffla Locksley à Ibn Rushd en filant vers l’autre ruelle.
Comme ils le pensaient, les deux frères
baussenques et les chevaliers étaient sur la plate-forme de la tour Paravelle
d’où ils regardaient l’échafaud en contrebas. Locksley reconnut le bliaut vert
et la chevelure rousse d’Anna Maria qu’on avait dû conduire de force. Monteil
dépassait tout le monde de plus d’une tête. Guilhem était en retrait et ne
portait pas d’arme.
Locksley se pressa, persuadé qu’Anna Maria
céderait quand elle verrait son frère sur la potence. Il traversa la cour
déserte de la tour Paravelle. Même le forgeron n’était pas dans son atelier.
Personne ne le remarqua quand il grimpa l’escalier aux marches creusées dans la
paroi rocheuse. Au sommet de l’éperon, les gardes regardaient en direction de
l’échafaud. Il s’installa en retrait à un endroit d’où il voyait parfaitement
la potence en contrebas. Après avoir mesuré la force du vent avec sa main, il
enfila son demi-gant et serra son brassard en cuir sur son bras gauche. Puis il
sortit deux flèches de peuplier du carquois.
Il jeta un dernier regard à la tour Paravelle
quand il entendit Castillon menacer et Anna Maria sangloter. Plus bas, on
faisait monter de force le prisonnier sur l’échafaud en le tirant par les bras.
Il banda l’arc, fit basculer une des flèches. Il y eut un claquement, le trait
vola, suivi presque aussitôt de la seconde flèche.
Cédric reçut la première exactement où Robert de
Locksley l’avait visé, dans la poitrine, sous le cœur. Elle traversa la cage
thoracique et la pointe ressortit de l’autre côté. Le second trait lui entra
dans la gorge quatre secondes plus tard. Surpris par ce choc inattendu, les
deux hommes d’armes lâchèrent le captif qui roula en bas de l’échafaud. Les
spectateurs ne prirent pas immédiatement conscience que des flèches avaient
atteint le prisonnier, ils pensèrent simplement qu’il était tombé en se
débattant.
Satisfait, Locksley redescendit tranquillement
dans la cour.
À la tour Paravelle, les deux Baussenques
s’interrogeaient sur la chute du condamné que ses gardiens ne parvenaient pas à
relever. Trois hommes étaient autour de lui. L’un d’eux à genoux. Anna Maria
s’était penchée sur le parapet pour mieux voir, tandis que Castillon
interpellait les gens de l’échafaud.
— Qu’arrive-t-il ?
— On a tué le prisonnier, seigneur !
cria l’un des hommes d’une voix affolée.
— Qui a fait ça ?
— C’est une flèche, seigneur. Non, deux
flèches.
Guilhem fut le premier à se retourner quand il
entendit qu’on montait l’escalier de la tour. Sitôt qu’il vit Locksley avec
l’arc à la main, il comprit que c’est lui qui avait tué Bartolomeo et hocha la
tête en grimaçant. Ce n’est pas ce qu’il fallait faire, se dit-il. Locksley
l’ignora.
— C’est moi qui ai tué Bartolomeo,
Castillon ! lança-t-il.
Rostang se retourna, interloqué. Voyant l’arc, il
tira brusquement son épée.
— Arrête ! ordonna Hugues des Baux.
Pourquoi avez-vous fait ça, l’Anglais ?
— Pour qu’Anna Maria n’ait pas à s’offrir en
échange de son frère. Maintenant qu’il est mort, elle est libre de ses choix.
— Vous avez osé ! aboya Castillon en
faisant un pas vers lui épée haute.
— Vous avez tué mon frère ! cria soudain
Anna Maria d’une voix aiguë.
— Il était voué à la mort dans tous les cas.
Je demande maintenant au seigneur des Baux une ordalie qui décidera à qui vous
appartiendrez.
— Battons-nous maintenant ! décida
Castillon.
— Non ! Je refuse un duel, intervint
Hugues des Baux en s’adressant à Robert de Locksley. Je n’accepterai pas que
vous tuiez mon frère, et s’il vous tue, cela compliquerait mes affaires. Je ne
veux pas m’attirer l’inimitié du duc d’Aquitaine… Mais vous avez raison. Il
faut décider à qui appartiendra cette femme. Vous vous battrez donc pour la
gagner, mais c’est moi qui dicterai les conditions.
— Je les accepte, quelles qu’elles soient,
dit Locksley en s’inclinant.
Il vit du coin de l’œil qu’Anna Maria allait
s’insurger, mais Guilhem lui saisit le bras et l’immobilisa.
Puisque vous
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