Marseille, 1198
butin rapporté de Palestine. Cédric était
prisonnier ici, et Castillon était prêt à le pendre pour ne pas perdre la face
si vous n’aviez pas cédé. Nous l’avons appris et le seigneur de Locksley a
décidé de vous empêcher d’accepter les infâmes propositions de Castillon en
vous faisant croire qu’il tuait votre frère. Ainsi, vous n’auriez plus à
choisir entre votre honneur et sa vie.
Tandis qu’il parlait, Anna Maria éprouvait un
sentiment qu’elle n’avait jamais ressenti. C’était tout à la fois une
impression de liberté et un immense espoir.
— Le seigneur de Locksley vous racontera tout
cela plus tard. Mais surtout, ne changez pas d’attitude. Laissez croire que
vous pleurez toujours Bartolomeo. Allez préparer vos affaires et attendez
ensuite dans la cour.
— Mais vous ? Vous restez ici ? Et
Hugues de Fer ?
— Locksley veut vous mettre en sécurité,
ensuite il reviendra.
— Je reviendrai aussi, décida-t-elle après un
silence. Je sauverai mon frère.
Pendant ce temps, Locksley était arrivé dans la
chambre de Hugues des Baux qui se trouvait avec Monteil et Arnaud de Coutignac.
— J’ignore comment vous avez fait, seigneur
de Huntington, mais je reconnais que vous avez gagné cette joute, lui jeta
sèchement Hugues. Maintenant, partez ! Je ne veux plus la moindre querelle
au sujet de cette femme.
— J’attendrai mes amis à Montpellier,
seigneur. J’espère que vous leur fournirez une escorte pour me rejoindre. Dans
le cas contraire, mon roi serait fort fâché.
— Nous verrons, répondit évasivement Hugues
des Baux.
Locksley s’inclina et sortit, réfléchissant aux
observations qu’il venait de faire. La première fois qu’il s’était rendu dans
les appartements de Hugues des Baux, il n’avait guère prêté attention à la
disposition des lieux. Mais depuis qu’il avait appris que Roncelin n’était pas
emprisonné dans les cachots, il s’était demandé où il pouvait être. Le soir où
le notaire avait annoncé que la vente des parts du vicomte était faite, l’homme
de loi venait de l’étage. Et si Roncelin logeait là-haut ? s’était-il
demandé.
C’est ce qu’il avait tenté de vérifier en
examinant discrètement les portes de la chambre. Il y en avait trois. La
première communiquait avec le logis des chevaliers, c’est par celle-là que
Baralle était passée pour l’empêcher de tuer Castillon quand il avait voulu
violer Anna Maria. La deuxième était ouverte vers la chambre de la châtelaine.
Restait la troisième, qu’il avait toujours vue fermée. Roncelin était-il
là ? Peut-être qu’Ibn Rushd pourrait le découvrir, bien que cela n’ait
plus d’importance.
Dans la cour, Ibn Rushd et Nedjm Arslan
l’attendaient avec Anna Maria et leurs bagages. Raimbaud de Cavaillon était là
aussi, avec une escorte et des domestiques.
— Les valets porteront vos affaires à vos
montures et je vous accompagnerai jusqu’à la porte d’enceinte.
On prit leurs sacoches et ils se dirigèrent vers
la basse-cour. En chemin, Locksley parvint à s’approcher d’Ibn Rushd pour lui
murmurer entre ses dents :
— Attendez-vous à mon retour. Notre plan pour
délivrer les prisonniers reste inchangé. Tentez aussi de savoir si Roncelin
n’est pas dans une chambre à côté de celle de Hugues des Baux.
C’est aux écuries qu’ils découvrirent Guilhem
d’Ussel. Le chevalier troubadour avait fait préparer le cheval de Locksley et
la mule d’Anna Maria. Le Saxon le remercia froidement, sans agressivité. Même
si Guilhem avait changé de camp, il lui reconnaissait une certaine loyauté, car
il ne l’avait pas dénoncé à Hugues des Baux. On chargea les bagages sur les
bêtes et ils montèrent en selle. Raimbaud de Cavaillon et deux soldats
partirent les premiers.
C’est au moment où Locksley donnait un coup
d’éperon à sa monture que Guilhem lui lança :
— Robert, tu dois bien savoir qu’il faut
parfois donner une chandelle à Dieu et une autre au diable !
Ayant entendu, Anna Maria resta interloquée et se
retourna sans comprendre. Mais Guilhem revenait déjà vers le pont-levis.
Qu’a-t-il voulu dire ? demanda Anna Maria à
Locksley.
— Je ne sais pas et je n’aime pas les
énigmes. Il est aux Baux désormais et le reste importe peu.
Ils rattrapèrent Raimbaud. À la porte, le
chevalier dit à Locksley avec une visible admiration :
— Sachez, messire, que je regrette votre
départ. Je suis
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