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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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comme un
trépassé, les yeux fixés sur l’étoile.
    — C’est une toile épaisse et le tissage est
bien grossier pour un morceau de vêtement de femme, remarqua le médecin.
    — C’est un pan de tunique ou de surcot.
Regarde, on voit la bordure du col. Elle l’a arraché en se défendant.
    — Que signifie cette étoile ?
    Hugues montra la croix bleue cousue sur son
haubert.
    — Cette croix, mon ami, ce sont mes armes.
J’ai la même sur ma tunique.
    Il donna l’étoffe à Ibn Rushd en expliquant :
    — Cette étoile à rayons, ce sont les armes de
l’assassin.
    — Tu les connais ?
    — Ce sont les seigneurs des Baux. Cette
étoile, c’est la comète de Balthazar.
    — Le roi mage ? s’étonna Ibn Rushd.
    — Les seigneurs des Baux disent descendre de
lui…
    — Tu m’as parlé de Hugues des Baux tout à
l’heure…
    — C’est Hugues qui est venu ici, affirma le
viguier, le visage contracté par la haine. C’est lui et ses brigands qui se
sont acharnés sur Madeleine. Ils payeront ce crime, j’en fais serment.
    — Il aurait aussi tué Roncelin ?
    — Je ne crois pas. Roncelin mort, il y aurait
dispute pour savoir à qui irait sa part de la vicomté, et il a peut-être fait
un testament. Non, Hugues des Baux a dû l’emmener pour lui faire signer
l’abandon de ses droits devant un notaire.
    — Que se passera-t-il s’il y parvient ?
    — Hugues des Baux aura Marseille, et Marseille
aura la guerre.
    Le ton de son ami semblait si désespéré qu’Ibn
Rushd lui lança un long regard inquiet.
    — Même si Hugues des Baux entraîne Marseille
dans une guerre, votre ville est riche et capable de vaincre.
    — Sans doute, mais je sais trop ce qu’est la
guerre. Ce n’est pas Hugues des Baux que je crains, c’est le désordre qu’il
provoquera. Par des marchands, je sais ce qui se passe en Poitou, en Auvergne
et en Périgord. Philippe Auguste, le roi de France, lance ses compagnies de
routiers sur les villes et les châteaux, et Richard riposte avec ses
Brabançons. Ces hordes sauvages détruisent et ruinent les campagnes. Si la
guerre commence, les Brabançons et les Cottereaux [17] viendront ici. Le
pays sera ravagé. Il ne restera rien après leur passage.
    Le silence s’installa un instant. Le viguier
restait immobile, le visage fermé, comme perdu dans ses pensées mais Ibn Rushd
remarqua que ses lèvres bougeaient. Il murmurait sans doute une prière pour
cette pauvre femme. L’ancien cadi se sentait mal à l’aise d’être arrivé à un si
mauvais moment, puis il se dit qu’il pourrait peut-être aider son ami. Il
s’approcha d’une archère pour examiner la pièce d’étoffe à la lumière. Les
brins de laine mélangés à du chanvre étaient rêches et résistants. Comment
avait-elle pu arracher ce morceau de tissu ? Il tira sur la toile sans
parvenir à la déchirer, c’est alors qu’il remarqua l’entaille franche au niveau
de la bordure. On avait coupé la toile avec une lame.
    Fer sortit de ses réflexions, ou de ses prières,
en voyant l’intendant descendre de l’étage supérieur.
    — Je suis monté jusqu’en haut, seigneur, et
je n’ai rien découvert, dit Arnoux.
    — Il n’y a rien de plus à faire. Vous
préviendrez un prêtre de la Major. Les esclaves seront ensevelis dans le
cimetière musulman.
    — Et elle ? A-t-elle une famille ?
demanda Ibn Rushd.
    — Oui, une sœur. Je vais la prévenir. Mon
écuyer ramènera son corps.
    — Comment est-elle venue jusqu’ici puisque
les gardes de la porte ne l’ont pas vue…
    — Elle a dû emprunter un autre chemin.
    — Une femme de sa condition se déplace
seule ?
    — Non, mon ami… Tu as raison… Il aurait dû y
avoir une servante… Sans doute les Baussenques l’ont-ils emmenée comme esclave.
    Comme ils s’apprêtaient à sortir, Ibn Rushd
demanda encore :
    — Comment Hugues des Baux savait-il que
Roncelin était là ?
    — C’est vrai… je n’y avais pas songé,
peut-être sa troupe est-elle arrivée par hasard…
    — Tu y crois ?
    Il n’obtint pas de réponse.
    Une fois dehors, Ibn Rushd se fit indiquer le
chemin qui s’éloignait de la tour, celui que les Baussenques avaient dû prendre
pour repartir. Hugues l’accompagna pendant que les hommes d’armes sortaient les
cadavres. Le sol était marqué des sabots d’une dizaine de montures passées dans
un sens, puis dans l’autre.
    — Ça a dû être une coïncidence malheureuse,
décida le viguier.

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