Marseille, 1198
coffre. Au
moment où il était soulevé, Castillon enfonça l’arme dans la gorge de celui qui
allait le tuer. Un flot de sang jaillit de la bouche de Monteil qui tituba et
lâcha sa proie. Castillon se remit immédiatement debout et ramassa l’épée.
Durant ce bref combat, Roncelin avait rejoint
Baralle. Il lui avait murmuré d’aller chercher un vêtement pour fuir par
l’escalier, car elle ne pouvait se montrer nue à ses serviteurs. Elle s’était
exécutée et, couverte d’un simple manteau, elle revenait dans la chambre au
moment où elle découvrit, à la lueur des braises, son beau-frère qui s’avançait
sur Monteil l’épée à la main.
Voyant le garde du corps de son mari plein de sang
et chancelant, elle comprit que c’était la fin et qu’ils n’auraient plus le
temps de fuir. En reculant, elle heurta du pied le fléau d’armes. Était-ce le
salut ? Sans réfléchir, elle le ramassa et s’approcha du géant pour le lui
mettre dans la main.
Castillon vit la manœuvre et leva son épée pour un
coup de taille, mais Monteil avait déjà pris l’arme et la lame fut arrêtée par
le fléau.
Un nouveau combat s’engagea. Le métal
entrechoquait le métal dans un vacarme assourdissant. Il était évident que
Castillon serait vainqueur, tant Monteil était affaibli.
Baralle et le vicomte de Marseille profitèrent
pourtant du répit qu’ils avaient pour se précipiter vers l’escalier. Ils
avaient à peine entrebâillé la trappe qu’un assourdissant coup de tonnerre
retentit. Aussitôt, ils la lâchèrent. La violence de la déflagration surprit
aussi Castillon qui s’immobilisa une seconde de trop. Les boules du fléau
d’armes lui écrasèrent alors la face et le crâne.
Il s’écroula, sa cervelle s’écoulant sur les
carreaux émaillés.
Au coup de tonnerre, Guilhem avait immédiatement
deviné que l’explosion était due à la poudre de Nedjm Arslan. Était-ce un
accident ? Il n’avait pas le temps d’y songer. En revanche, il
s’inquiétait de la trappe qui s’était ouverte, puis refermée. Aussi la
poussa-t-il prudemment avec son épée. Entendant alors les martèlements d’un fléau
d’armes et craignant pour Baralle, il la repoussa complètement et se précipita
dans la pièce.
Monteil frappait à coups redoublés avec un fléau
sur un corps étendu. Guilhem aperçut Baralle, à quelques pas, puis un inconnu
près d’elle, livide comme un cadavre. La châtelaine, stupéfaite de le voir
entrer, lâcha un pan du manteau qu’elle retenait de la main et Guilhem
découvrit sa nudité.
Monteil en avait fini avec le tas de bouillie. Il
se retourna, vit Guilhem, leva à nouveau le fléau rougi et s’avança vers lui,
décidé à le massacrer lui aussi.
— Monteil, arrête-toi, c’est un ami !
lui cria Baralle.
Mais le cerveau du monstre était mort, détruit par
les coups que lui avait portés Castillon. Il continua donc à avancer, borgne,
la bouche et les joues déchirées. Une vision d’enfer. Guilhem se prépara au
choc et garda son épée à mi-hauteur, décidé à percer le géant d’un coup
d’estoc.
Contre toute attente, les jambes de Monteil
s’arrêtèrent subitement de fonctionner. Il chancela et s’effondra, agité
d’horribles soubresauts.
Quand il parut complètement inconscient, Guilhem
s’approcha prudemment, lui donna un coup de pied, mais, cette fois, le monstre
était bien mort.
Avant de poser des questions, et craignant quelque
surprise désagréable, Guilhem fit le tour de la pièce. Sur le lit, il aperçut
Hugues des Baux qui balbutiait des mots incompréhensibles. Il vit ensuite le
chapelain remuer dans la ruelle entre le lit et le mur, puis il retourna vers
le tas de chair sur lequel s’était acharné Monteil. Il reconnut le crâne rasé
de Castillon, son nez busqué, écrasé, et son visage martelé.
— C’est vous qui avez crié ?
demanda-t-il à Baralle.
Elle déglutit.
— Oui… C’est Rostang… Il est entré ici avec
Basile.
Elle fut interrompue par une nouvelle
déflagration. Très vite, une odeur de soufre se répandit partout. Guilhem
devina qu’Ibn Rushd et Nedjm Arslan appliquaient le plan qu’ils avaient
élaboré, et qu’ils tentaient de délivrer Fer et Bartolomeo. Mais à deux, sans
lui, ils n’avaient aucune chance. Il fallait immédiatement qu’il aille à leur
aide.
Il se tourna vers Roncelin :
— C’est vous, le vicomte de Marseille ?
— C’est moi.
— Je suis venu avec le
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