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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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dans des coiffes
qui couvraient leurs oreilles et passaient sous leur menton, ne laissant
visible que leur visage.
    — Vous jouez de la musique ? demanda
l’une, les yeux brillants.
    — Oui, gentilles dames. De la vielle.
    — Je le veux pas ici, c’est trop
dangereux ! intervint l’homme en levant sa fourche. Et s’il est d’une
bande de routiers ? Les troubadours ne voyagent pas à cheval !
    — Moi, un routier ? Avec une
vielle ? questionna Guilhem en simulant l’étonnement.
    — Et ça ?
    Le fermier désigna l’épée attachée à la selle.
    — Je voyage de Flandres en Aquitaine et de
Bretagne en Auvergne. Les routes sont si peu sûres, l’ami. Mon cheval est toute
ma fortune, aussi je dois le défendre. Je ne demande qu’un endroit au sec. Je
vous laisserai mon épée, si vous voulez, et je jouerai de la vielle pour payer
mon souper. Je suis fatigué, ajouta-t-il d’un ton las. Vous ne pouvez pas
laisser un chrétien dehors avec la neige qui vient.
    — Accepte, Antoine ! implora l’une des
femmes, ça fait si longtemps qu’on n’a pas entendu la vielle !
    — C’est bon ! grommela l’autre. Mais
vous ne dormirez pas avec nous, vous irez avec les moutons, là-bas dans la
bergerie. Laissez votre cheval à l’écurie. On mange avant le coucher du soleil,
il n’y aura que de la bouillie d’épeautre et du fromage.
    Il ajouta, bourru, comme Guilhem le
remerciait :
    — N’oubliez pas la vielle, et vous laisserez
votre épée !
    — Je vais au château prévenir qu’il y a un
étranger, dit le curé. Loger un étranger sans le faire savoir au seigneur est
puni de mort.
    Guilhem le regarda s’éloigner, puis conduisit sa
monture à l’écurie. Il y avait une mule et deux bœufs à l’intérieur. Il
dessella le cheval, le brossa et vérifia qu’il avait du fourrage et de l’eau
dans un seau de bois. Ensuite il prit les deux sacoches de la selle, la boîte à
vielle, son outre de cuir, l’épaisse couverture brodée attachée au bât et enfin
son épée serrée dans des lanières de cuir. Chargé ainsi, il se rendit dans la
bergerie. Vide d’animaux, l’endroit puait. Il y avait une sorte d’étage en
planches où était entreposé du foin. Il grimpa par l’échelle qui y conduisait
et s’installa. Après avoir étalé la couverture sur la paille, il but une longue
gorgée du vin de son outre, puis s’allongea, posant sous sa tête la seconde
sacoche qui contenait son haubert de mailles et son bassinet.
    Ayant fermé les yeux, il détendit ses muscles
endoloris et, comme tous les soirs, il songea à Toulouse et à la cour de
Raymond à Saint-Gilles.
    Trois ans plus tôt, le roi Richard d’Angleterre,
après avoir été emprisonné en Autriche en rentrant de croisade, était revenu en
Aquitaine et avait fait valoir ses prétentions sur Toulouse. Par sa mère, dame
Aliénor, Richard Cœur de Lion était duc d’Aquitaine et suzerain du Poitou, du
Limousin et du Quercy. S’il obtenait l’allégeance de Toulouse, il n’aurait plus
que le Languedoc à saisir pour accéder à la Méditerranée et offrir à
l’Angleterre des ports vers l’Orient, ce que son père Henri II n’était
jamais parvenu à faire.
    Mais le comté de Toulouse était aussi convoité par
le comte de Catalogne, la puissante maison de Barcelone qui venait de
s’agrandir du royaume d’Aragon. Déjà, en 1159, alliés avec les Anglais, les Catalans
avaient assiégé Toulouse. Pourquoi n’auraient-ils pas recommencé pour partager
ensuite le comté ?
    Le comte de Toulouse craignait cela. Il n’avait
comme allié que Philippe II – Philippe Auguste –, mais c’était
un allié encombrant, car le roi de France ne dissimulait guère son désir de
rattacher le comté à son petit royaume d’Île-de-France et prendre ainsi en
tenaille le Poitou et le Périgord.
    Avec des voisins si puissants, le rapport de force
n’était pas en faveur du comte toulousain, aussi, pour se protéger de ces
prédateurs, il avait fait appel à des mercenaires. Des grandes compagnies,
comme disaient les paysans avec terreur.
    À l’origine, ces compagnies n’étaient que des
bandes de soldats sans emploi, des vauriens de tous âges et de toutes nations uniquement
amoureux de la rapine et du butin. Les plus redoutés étaient les Cottereaux et
les Brabançons qui venaient d’Écosse et de Flandres pour piller les villages et
les monastères. Devant l’inertie de leurs seigneurs, les paysans

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