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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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viguier.
    Elle portait un bliaut en drap couleur paille
étroitement lacé sur sa poitrine, avec une ceinture d’argent à laquelle était
attachée une escarcelle de soie. Le manteau de laine finement tissée qu’elle
avait sur les épaules était fermé au cou par une agrafe d’or sarrasine. Ibn
Rushd remarqua ses souliers de cuir de Cordoue. Les Mont Laurier étaient
fortunés.
    Elle se dirigea vers la maison et ne se retourna
que devant la porte, vérifiant du regard que personne ne pouvait l’entendre.
    — C’est ma sœur, n’est-ce pas ?
demanda-t-elle d’une voix rauque où perçait l’inquiétude.
    C’était une affirmation, car elle n’écouta pas la
réponse, monta les trois marches du seuil et poussa la porte.
    Ils entrèrent dans une longue pièce au centre de
laquelle brûlait un petit feu de fagots dans une cheminée entourée de bancs de
pierre sur lesquels étaient posés une grosse marmite à trois pieds et des
récipients en bronze et en cuivre. Une crémaillère à landiers pendait dans
l’âtre avec une autre marmite qui répandait une bonne odeur de soupe aux
poireaux et au lard. Le plafond était en branches écorcées dont les interstices
étaient emplis de chaux. Quelques bécasses pendaient, attachées par les pattes
à un gros anneau de fer et, autour de l’âtre, des jambons fumés et des
chapelets de saucisses étaient suspendus.
    Le sol était en grosses dalles inégales. Il y
avait deux grands coffres en olivier sculpté, un dressoir en noyer, deux bancs
à dossier avec des accoudoirs et des coffres dessous et enfin les tréteaux
d’une table dont le plateau était poussé contre un mur. De l’autre côté du
foyer central, on apercevait des paillasses, sans doute pour les serviteurs. La
chambre des femmes Mont Laurier devait être à l’étage. C’était un intérieur
opulent pour de simples négociants.
    Devant l’âtre, sur une escabelle, une servante
triait de la toison de laine tandis qu’une autre la filait, une quenouille dans
une main et un fuseau dans l’autre. Une troisième femme surveillait la cuisson
dans la marmite et un valet rangeait du bois dans un huchet. Constance leur fit
signe de s’éloigner, puis détacha l’agrafe de son manteau. Ibn Rushd observa
que, comme chez sa sœur, les manches du bliaut étaient lacées. Ses cheveux et
son corps exhalaient une agréable odeur piquante de romarin, ce qui était loin
d’être le cas des autres Marseillaises qu’il avait croisées.
    La salle était obscure, à peine éclairée par les
fenêtres sur les châssis desquelles était tendu du parchemin de porc huilé,
translucide. Elle les fit asseoir sur le plus grand des bancs avant de s’approcher
du dressoir sur lequel étaient posés des flacons et des gobelets de terre
cuite. Ayant servi du vin, elle leur porta deux gobelets pleins.
    — Madeleine m’avait dit qu’elle passerait la
nuit dehors, poursuivit-elle, le visage défait, et elle n’est pas rentrée. Je
suis morte d’inquiétude depuis ce matin. Elle aurait dû être là pour vérifier
les peaux qui partent aujourd’hui en Italie.
    — Avec qui devait-elle passer la nuit ?
demanda Hugues de Fer.
    Elle se mordilla la lèvre inférieure, hésitant à
répondre.
    — Il est inutile de me le cacher, fit-il en
haussant les épaules. C’était le vicomte Roncelin.
    — Qu’est-il arrivé, seigneur ?
demanda-t-elle d’une voix brusquement aiguë.
    Fer ne savait plus comment poursuivre.
    — Elle est morte, damoiselle, annonça
simplement Ibn Rushd.
    Jusqu’à présent, Constance n’avait pas fait
attention à lui et elle le considéra avec un mélange de surprise et
d’incrédulité. Soudain l’horreur s’afficha sur son visage. Elle porta la main à
sa bouche, ne put retenir ses larmes et s’assit sur l’escabelle.
    — Où est-elle ? balbutia-t-elle en
s’essuyant une joue avec sa manche.
    — Dans une maison du vicomte, la tour près du Portus Gallicus.
    — Que faisait-elle là ? C’est… c’est
lui… qui…
    — Non, ce n’est pas lui. Nous avons pensé à
des pirates sarrasins… il semble qu’on les ait surpris, fit le viguier,
embarrassé.
    Mais déjà Constance s’était ressaisie. C’était une
jeune fille forte, sans doute dure comme sa sœur. Les corroyeurs ne
devaient-ils pas avoir le cœur aussi bien tanné que les peaux qu’ils traitaient ?
    — Je vais la chercher ! décida-t-elle en
se levant.
    — C’est inutile, mon écuyer va

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