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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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décollation
de saint Jean-Baptiste  », ou encore «  L’enfer noir et puant
dans lequel tombait une mauvaise femme saisie par un diable  ». Entre
ces fables, ils dansaient et chantaient, et Bartolomeo faisait le ventriloque
en imitant les voix des convives.
    On les avait invités à Milan, mais comme les
chemins étaient impraticables tant il avait neigé, ils étaient restés à Rome.
Seulement, depuis la mort du pape et le deuil qui avait suivi, personne n’avait
fait appel à eux. En ce mois de février, ils avaient dépensé presque tout ce
que leur avait laissé le cardinal Ubaldi.
    Alors qu’ils s’inquiétaient pour l’avenir,
Bartolomeo avait eu une visite dans la pauvre auberge où ils avaient élu
domicile. Un homme aussi fripé qu’une vieille pomme, aux lèvres fines et à
l’expression perpétuellement maussade s’était présenté comme un notaire. Pas
n’importe quel notaire, un notaire proche de Mgr Piaggo, camerarius [32] d’Innocent III, le nouveau pape qui venait d’être intronisé.
    Avant sa mort, le cardinal Ubaldi avait parlé
d’eux à Sa Sainteté, avait expliqué le notaire, et le pontife souhaitait les
rencontrer. Il les conviait à présenter leur spectacle au palais du Latran
contre un cachet appréciable.
    Enfin dame Chance leur souriait ! Ils avaient
dansé, jonglé, joué de la musique devant un aréopage d’hommes d’Église. Ils
avaient été éblouissants et incroyablement applaudis. Après quoi, on les avait
conduits dans une salle auprès du pontife pour recevoir leurs gages. Celui-ci
était avec son camerarius et deux cardinaux qu’ils ne connaissaient pas.
    Le nouveau pape, Lotario Seigni, qui avait pris le
nom d’Innocent III, était un jeune homme au visage énergique et au regard
autoritaire. Bartolomeo et Anna Maria savaient qu’il n’était pas prêtre, que sa
famille était l’une des plus puissantes d’Italie et qu’il était très imbu de sa
charge et de sa lignée. En robe rouge, coiffé d’une tiare à triple couronne, il
ne les autorisa pas à se lever après qu’ils se furent agenouillés devant lui,
les laissant dans cette position soumise.
    À ses côtés sur de hautes chaises, plus petites
cependant que le siège papal, étaient assis les deux cardinaux, des jeunes gens
au regard dur et ambitieux. Sur un faux esteuil, à l’écart, se tenait le camerarius ,
homme de petite taille, replet et souriant.
    C’est lui qui avait parlé le premier.
    — Le cardinal Ubaldi nous a souvent loué
votre talent, jeunes gens, et il avait raison. Sa Sainteté a apprécié votre
spectacle.
    Innocent III était resté impavide.
    — Le cardinal nous avait aussi loué votre foi
et votre amour pour Rome… Sa Sainteté désirerait les mettre à l’épreuve.
    Ils avaient attendu la suite avec inquiétude,
satisfaits quand même d’avoir été distingués par l’homme le plus puissant du
monde.
    — Sa Sainteté observe que les princes ne
respectent pas les exigences que Notre Seigneur leur a imposées. L’empereur, le
roi de France, le roi d’Angleterre tentent de s’affranchir de l’autorité de
Rome qui détient pourtant la seule souveraineté, celle que Notre Seigneur lui a
confiée. Il est temps que la papauté rappelle ces princes à l’ordre.
    Le camerarius avait attendu qu’ils
approuvent du chef avant de poursuivre.
    — La Provence, que Toulouse et Barcelone se
disputent, et dont l’empereur prétend être suzerain, est pourtant une terre
conquise par Rome. Nos droits anciens et légitimes sont oubliés ou écartés. Or,
nous avons une opportunité de les rappeler. La cité la plus riche de Provence
est Marseille, qui s’est affranchie de la tutelle du comte. La ville haute
appartient à l’évêque, et la ville basse est un port de marchands sous
l’autorité d’un vicomte. L’attitude de ces marchands déplaît fortement à Sa
Sainteté, car s’ils ont transporté les croisés en Terre sainte, ils ne l’ont
fait que contre pécunes. Les Marseillais songent plus à l’argent qu’à leur salut.
Ils commercent avec les infidèles, qu’ils acceptent même dans leur ville. Ils
considèrent les juifs comme des citoyens, oubliant ce que leur peuple a fait à
Notre Seigneur.
    — Il est temps que cela change ! était
intervenu fermement un des cardinaux.
    — Mais Rome n’a pas d’armée, avait souri le camerarius. Nous ne pouvons donc imposer notre volonté par la force. En revanche, nous
avons du talent, et quelques

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