Marseille, 1198
qui
portait un réchaud à sceller et la cire.
Ansaldi leur donna l’acte qu’ils recopièrent en
trois exemplaires, puis chacun le parapha et le notaire ajouta la formule
consacrée :
« … ai assisté à toutes ces choses et y ai
apposé ma signature. En foi de quoi, et pour son plus grand maintien perpétuel,
cet acte a été fortifié des sceaux des présents et de la bulle de plomb de la
commune de Marseille. »
Chacun porta son sceau, et Guillaume Imbert scella
du plomb de la ville avant d’emporter les actes.
Quand tout fut terminé, Antoine Ansaldi salua
l’assemblée avec un grand sourire épanoui et partit en compagnie d’Aurélien et
de Sarraset. Dans la rue, en attendant leurs mules que leurs serviteurs étaient
allés chercher, les trois hommes s’entretinrent un instant, les deux marchands
assurant Ansaldi de leur fidélité à l’ordre. Depuis des mois, Ansaldi poussait
Raymond Sarraset à les rejoindre et il sentit que le fabricant de savon était
maintenant décidé. Jusqu’à présent Sarraset avait toujours suivi Fer et Vivaud,
mais c’était un de ces hommes qui préféraient être du côté de ceux qui tenaient
le pouvoir. Et le pouvoir allait tomber dans les mains de la confrérie du
Saint-Esprit.
Les mules arrivèrent et le procurateur monta sur
la sienne après avoir béni les deux consuls. Guidé par le valet qui tenait sa
monture, Ansaldi laissa ses pensées vagabonder tandis qu’ils remontaient une
ruelle boueuse et puante. L’hôpital du Saint-Esprit était situé derrière
l’église des Accoules, sur la butte, à la limite de l’enceinte de la ville
haute.
Le procurateur était particulièrement satisfait de
sa matinée. La disparition de Roncelin renforçait sa position. Ratoneau et
Barthélémy resteraient neutres, et il savait qu’il pouvait toujours manœuvrer
le marchand d’armes en faisant état des infâmes amitiés entre le viguier et les
Sarrasins. Par une confidence obtenue en confession, il savait que la mère de
Ratoneau avait été violée par des barbaresques et que l’armateur était le fruit
de ces violences ; ce qui expliquait la haine qu’il avait envers les
mahométans, même s’il parlait leur langue et commerçait avec eux.
Restaient Vivaud et Fer. Vivaud avait des amis
juifs, comme bon nombre de notables marseillais, mais quand la confrérie
dirigerait la ville, cela ne saurait durer. Il lui ferait facilement comprendre
qu’il ne pourrait continuer à faire des affaires qu’en cessant de prêter avec
usure. Quant aux juifs, ils seraient désormais cantonnés dans leur quartier que
l’on clôturerait à nouveau, comme partout en Europe.
Fer serait un adversaire plus coriace. Le
procurateur devinait qu’il ferait tout pour s’opposer à la confrérie du
Saint-Esprit. Il savait que le viguier avait des soucis d’argent. Sans doute
serait-il possible de le miner ? Cette solution serait peut-être à
envisager, se dit-il, si les autres moyens échouaient.
La mule entra dans la cour de l’hôpital pavoisée
de la double croix, les armes de la confrérie. Aidé de son valet, le
procurateur mit pied à terre et se rendit à son appartement. Là, il prévint son
intendant d’aller inviter l’abbesse de Saint-Sauveur à souper avec lui. Il
devait lui parler d’Alice. Il envoya aussi un valet prévenir Adhémar et son
épouse qu’il viendrait les voir dans l’après-midi. Plus tard, il rencontrerait
Aurélien.
Après le départ d’Ansaldi, Hugues de Fer resta
seul. Ratoneau et Barthélémy avaient rejoint Vivaud et ils parlaient ensemble à
mi-voix. Il n’avait pas envie de se joindre à eux. Il se sentait
douloureusement trahi. La façon dont Ansaldi avait retourné le conseil en sa
faveur, sa proposition de mettre en avant Adhémar, un homme encore moins
capable de diriger la cité que Roncelin, et sa suggestion de manquer à la
parole donnée à Bertrand des Baux, le mortifiaient.
Il avait conscience d’avoir perdu une bataille
sans même l’avoir livrée. Constatant que la discussion entre Vivaud et les deux
autres s’éternisait, il choisit d’aller jusqu’au port pour savoir si sa galère
était arrivée. La marche lui ferait du bien.
Il retrouva ses esclaves dans la salle de la douane.
En la traversant, il vérifia que les différentes mesures de la ville, longueur,
contenance et poids, étaient bien exposées sur les tables de manière que chaque
marchand puisse vérifier que ses propres mesures étaient
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