Marseille, 1198
voulu
poursuivre dans cette voie. J’ai tout quitté avec ma vielle et j’ai gagné le
Midi.
Locksley le considéra alors longuement avant de
lui raconter sa vie. Celle de Robin Hood, Robin au Capuchon.
Chapitre 15
L e
lendemain, Robert de Locksley et Guilhem d’Ussel partirent s’entraîner aux
armes et à l’arc dans les jardins de Saint-Victor. Ils en revenaient et
passaient sur la rive du port avant d’entrer dans la ville quand le Saxon
aperçut Hugues de Fer en compagnie d’Ibn Rushd.
Il s’approcha pour les saluer et présenta Guilhem
comme un troubadour qui partageait sa chambre. Hugues de Fer ne prêta guère
attention au compagnon de Locksley, obnubilé par sa galère qui n’était toujours
pas rentrée. Par contre, Ibn Rushd, qui venait régulièrement sur le port pour
obtenir des nouvelles de Marrakech, voulut savoir d’où il venait. Apprenant
qu’il arrivait de Toulouse, il l’interrogea sur la situation en Aquitaine et en
Guyenne, tant il était toujours curieux d’apprendre.
Ils étaient en train de parler quand une jeune
femme en manteau de laine attaché par une agrafe d’or sarrasine s’approcha
d’eux. C’était Constance Mont Laurier qui, à quelques pas de là, surveillait
l’arrimage de ballots de peaux sur une grande barque. Les deux domestiques qui
la suivaient étaient déjà avec elle quand Hugues de Fer était venu lui annoncer
la mort de sa sœur.
— Seigneur viguier, demanda-t-elle, avez-vous
trouvé les assassins ?
— Non, Constance, mais j’aurais peut-être des
nouvelles dans quelques jours et je viendrais vous les donner, je vous le
promets.
Elle hocha tristement la tête. Sans un regard ou
une parole pour les compagnons du viguier, elle revint vers la charrette d’où
on déchargeait ses peaux.
Guilhem n’avait pas quitté la jeune femme des
yeux. Constance ! Elle n’était alors qu’une petite fille, mais ses longs
cheveux noirs, ses yeux foncés et sa peau ivoirine étaient les mêmes que dans
son souvenir.
Hugues de Fer et Ibn Rushd s’éloignèrent à leur
tour, tandis que Locksley considérait d’un air ironique son compagnon qui
continuait à regarder Constance.
— Une bien jolie femme, fit le Saxon.
— Puis-je te laisser, mon ami ? Je dois
lui dire quelques mots.
— Bien sûr. Tu es sûr de ne pas avoir besoin
de moi ?
— Tu peux m’accompagner, si tu le souhaites…
Il se dirigea vers la charrette, maintenant
presque entièrement vidée par les serviteurs de Constance. Elle dut sentir
qu’on s’approchait d’elle, car elle se retourna brusquement. Son morne visage
se ferma complètement en les voyant. Constance avait l’habitude des hommes sur
ce port ; ils cherchaient tous la même chose. Elle pouvait être cinglante,
et en cas de besoin ses serviteurs savaient se servir du bâton.
— Gracieuse damoiselle, fit Guilhem en
s’inclinant, je me nomme Guilhem d’Ussel.
— C’est très bien, répliqua-t-elle, mais j’ai
beaucoup de travail.
Elle n’avait pourtant pas manqué de l’examiner et
avait remarqué l’épée qu’il portait, tout comme son compagnon.
— Seriez-vous Constance Mont Laurier ?
s’enquit-il en ignorant sa brusquerie.
Elle parut surprise.
— Oui, mais je ne vous connais pas.
— La dernière fois que je vous ai vue, vous
deviez avoir cinq ou six ans, sourit-il.
Elle haussa les sourcils d’étonnement.
— Mes parents travaillaient pour les vôtres,
poursuivit-il. J’ai moi-même travaillé dans votre tannerie jusqu’à treize ans.
Ils sont morts et j’ai quitté Marseille.
Elle considéra avec plus d’attention cet homme en
gambison de cuir treillissé, avec des trousses écarlates et des heuses de cuir
rouges serrées par des boucles de fer. Il donnait une curieuse impression de
force, de hardiesse mais aussi de charme. Le regard de la jeune femme passa
insensiblement à son compagnon, en justaucorps vert, qui tenait un arc à la
main et portait une épée et un carquois à son ceinturon.
— Je ne me souviens pas de vous, vous avez
sans doute changé, remarqua-t-elle lentement. Êtes-vous chevalier ?
— Mon ami est comte de Huntington,
répondit-il.
— Je serais curieuse de connaître l’histoire
de votre vie, dit-elle après un bref silence. Vous souvenez-vous de la
tannerie ?
— Oui-da. Que sont devenus vos parents ?
— Ils sont morts.
— Vous avez une sœur… Je me souviens aussi
d’elle.
— Nous en parlerons si vous venez à
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