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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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l’habitude de venir tous les matins au
château demander si Roncelin était rentré. L’après-midi, Locksley lui proposait
de s’entraîner aux armes dans les jardins de l’abbaye de Saint-Victor.
    Guilhem ne cherchait jamais à le battre, voulant
paraître troubadour plus que chevalier, mais comme ils vivaient dans la même
chambre et dormaient dans le même lit, il ne pouvait dissimuler grand-chose de
ses bagages. Or, il n’avait guère que des armes avec lui.
    — Je n’ai pas l’impression que vous allez
embarquer pour la Palestine, lui dit le Saxon, un soir où ils dînaient
ensemble.
    — Vous me l’avez déconseillé, sourit Guilhem.
    En considérant le comte, il devina qu’il se posait
des questions sur lui.
    — Vous vous demandez qui je suis et ce que je
fais à Marseille, fit-il.
    — Cela ne me regarde pas, mais il vrai que je
m’interroge. Vous semblez bien connaître la ville.
    Guilhem ne répliqua pas tout de suite.
Réfléchissant à ce qu’il pouvait révéler, il décida finalement qu’il pouvait
presque dire la vérité. Il servit du vin à son compagnon, puis remplit son pot
avant d’expliquer :
    — Je suis né ici et je suis vraiment
troubadour, mais je ne l’ai pas toujours été. C’est la nostalgie qui m’a ramené
à Marseille. Je voulais me faire inviter par le vicomte Roncelin. Je suis allé
trois fois chez lui depuis mon arrivée, mais il n’était pas là. On m’a dit
qu’il était malade. Je vais encore attendre quelque temps, après j’aviserai. Je
repartirai sans doute. Maintenant, je sais ce que vous pensez : curieux
troubadour qui voyage avec un haubert et une épée, aussi laissez-moi vous
raconter ma vie…
    — Ne vous croyez pas obligé, l’interrompit
Locksley en levant une main. Vous ne connaissez rien de la mienne, et elle a
aussi ses parts d’ombre. Mais si vous voulez vous expliquer, je vous écouterai.
Sachez quand même que rien de ce que vous me direz ne sortira d’ici.
    — Mes parents étaient ouvriers chez un
corroyeur. Un travail épuisant. Nous étions pauvres, très pauvres. À dix ans,
ils m’ont retiré de la petite école et je travaillais aux cuves quand les
Sarrasins ont attaqué la ville. Mon père a été tué. Trois ans plus tard,
c’était ma mère qui mourait d’épuisement. Mon frère et ma sœur étaient morts de
la fièvre. Je ne voulais pas finir comme eux et je me suis enfui.
    » Que peut faire un gamin de treize ans sur
les routes ? J’ai volé, j’ai marché jusqu’au Limousin et j’ai rejoint une
bande de routiers, des Cottereaux. Je connaissais des bribes de latin et je
savais un peu écrire. Un moine pensa que je pourrais devenir prêtre et m’apprit
tout ce qu’il savait. Ce fut une grande chance. À cette époque, il y avait
toutes sortes de bandes qui ravageaient les campagnes. Parfois nous étions
alliés, parfois nous nous combattions. Parfois nous étions payés par
Henri II [37] ,
parfois par le roi de France. Dans ces occasions, nous attaquions un château,
un village ou un domaine qu’on nous ordonnait de dévaster. Mais en général on
se battait surtout contre les paysans qui nous empêchaient de prendre leur
récolte ou leur femme.
    » Jusqu’au jour où Henri II envoya
contre nous Mercadier, le plus féroce des Brabançons. Le prêtre qui m’avait
tout appris fut tué dans l’affrontement. Moi, je ne fus que blessé, et comme je
savais lire, Mercadier ne me fit pas écorcher vif comme les autres captifs. Il
avait vu que je me battais bien et il avait besoin de lieutenants lettrés. Je
lui prêtais donc allégeance. Plus tard, il m’accola chevalier mais malgré cela
je ne restais pas avec lui, car je ne supportais pas sa sauvagerie.
    » À vingt ans, je l’ai quitté et je suis
devenu lieutenant de Lambert de Cadoc qui était au service du roi de France.
Philippe voulait faire revenir l’ordre dans son royaume et nous demanda
d’exterminer les bandes de routiers qui lui refusaient allégeance. Je me
souviens d’une bataille où nous tuâmes sept mille Cottereaux dont quinze cents
femmes de mauvaise vie. Je me rendis compte que nous étions pires que les gens
de Mercadier. Les survivants étaient marqués au fer rouge et avaient les bras
ou les pieds coupés, et après notre passage, Limousin et Poitou n’étaient plus
que ruine. Les paysans étaient pendus et leurs femmes violées avant d’être
écorchées. Les enfantelets étaient cloués aux portes. Je n’ai pas

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