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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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la
tannerie, répliqua-t-elle en se détournant.
    En rentrant à l’auberge, Guilhem d’Ussel observa
le silence. Il s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles il avait abordé
la jeune Mont Laurier. Quand le viguier de la ville avait appelé cette femme
Constance, et qu’il avait remarqué la charrette pleine de ballots de peaux
tannées, le souvenir de son enfance avait ressurgi de façon inexplicable :
la tannerie des Mont Laurier, lui petit garçon transportant des seaux d’eau,
tandis que sa mère, malade, suspendait les peaux aux branches. Et ces deux
petites filles si jolies et si propres qui se moquaient de lui mais qu’il
admirait. Elles s’appelaient Constance et Madeleine.
    Puis il les avait oubliées. Il avait connu tant de
choses depuis ! Il avait tué des hommes, des femmes, et même des enfants,
comme ces deux fillettes. Il ressentit une sourde douleur à ces souvenirs qu’il
essayait d’effacer. Mais c’était impossible d’oublier.
    Ainsi Constance Mont Laurier était devenue cette
belle femme. Pourquoi l’avait-il abordée ? Elle était belle, mais il en
avait connu de plus attirantes. Avait-il une revanche à prendre ?
    Non. Ce n’était pas cela. En y réfléchissant,
c’était l’échange entre elle et le viguier qui avait attiré son attention. Il
se souvenait exactement de leurs expressions à tous deux. Elle l’avait
questionné avec un air désespéré, et il était apparu profondément embarrassé.
    C’était donc la curiosité qui le guidait. Rien
d’autre. Peut-être, malgré tout, la nostalgie de revoir les lieux de son
enfance, la maison où il avait grandi.
    Le lendemain matin, il se rendit à la tannerie.
    Il suivit le chemin raviné de son enfance. Le
cours d’eau était toujours là, comme les âcres odeurs de cuir et de tanin. Il
déboucha sur cette esplanade qu’il n’aurait jamais cru revoir. Son cœur se
serra en apercevant la masure où il avait vécu. Les cuves étaient plus
nombreuses que dans son souvenir. Les peaux suspendues aussi. Apparemment, la
tannerie était florissante. Son regard s’égara sur les femmes et les enfants
qui portaient des seaux. Les plus jeunes, maigres et décharnés, devaient avoir
six ans.
    Il s’avança vers la maison des Mont Laurier,
cherchant les deux sœurs des yeux entre les chariots qui déchargeaient écorces
et peaux. Enfin, il aperçut Constance, en compagnie des deux hommes qui étaient
avec elle la veille.
    Elle le vit aussi et sourit. Encouragé, il
s’approcha.
    — Je vous attendais, dit-elle d’une voix sans
timbre.
    — Vous saviez que j’allais venir ?
    — J’ai prié la Vierge, répliqua-t-elle sans
émotion apparente.
    Brusquement, il fut sur ses gardes. Qu’allait-elle
lui demander ?
    — Accepterez-vous de rester à dîner ? Je
voudrais vous parler auparavant.
    — Volontiers, dit-il. Y aura-t-il votre
sœur ?
    — Allons dans ma maison, voulez-vous ?
    Elle se tourna vers les deux hommes qui
surveillaient le travail des ouvriers. Le plus jeune était trapu avec des
muscles puissants. L’autre, âgé, l’observait avec attention.
    — Étienne, Aicart, venez avec moi.
    Ils entrèrent dans la maison des Mont Laurier.
Guilhem n’y était jamais venu. C’était une longue pièce avec au milieu une
cheminée entourée de bancs de pierre. Des servantes filaient, d’autres
faisaient cuire une soupe et des pigeons à la broche. Ils traversèrent la salle
jusqu’à une échelle.
    — Montons, dit-elle en passant devant.
Étienne et Aicart, attendez en bas, je vous appellerai si j’ai besoin de vous.
    En haut, la chambre occupait tout l’étage. À dire
vrai, ce n’était pas seulement une chambre. Comme la salle d’en bas, c’était
une longue pièce avec un lit à piliers à son extrémité, mais la plus grande
partie était utilisée pour emmagasiner au sec les ballots de peaux prêts à être
vendus. Le conduit de la cheminée passait à travers le plancher et il y régnait
une odeur doucereuse, à la fois âcre et écœurante.
    Elle le fit passer entre les paquets de peaux
jusqu’à une fenêtre devant laquelle se trouvait un grand banc à dossier couvert
de coussins verts et noirs brodés de fleurs multicolores. Elle lui fit signe de
s’asseoir et s’installa à côté de lui.
    — Madeleine est morte, lâcha-t-elle
simplement. On lui a tranché la gorge après l’avoir violée.
    Son ton ne reflétait aucune émotion.
    Ainsi c’était pour cela qu’elle l’avait

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