Marseille, 1198
lui ai dit tout ce que je sais et
il se tient sur ses gardes.
Guilhem soupira.
— Vous avez un bon plan, sire viguier, mais
je crains que nos adversaires n’en aient un meilleur.
— Prions au moins pour que Hugues des Baux ne
nous attende pas, conclut Fer.
Ils s’arrêtèrent à la tour des Jourdans [38] ,
un édifice carré et crénelé de cinq étages, érigé sur un rocher en bordure du
littoral. Le seigneur des Jourdans, qui bien sûr connaissait Hugues de Fer,
donna ordre à ses serviteurs qu’on s’occupe des montures des voyageurs et leur
fit servir à dîner.
Ils repartirent par un sentier qui longeait un
ruisseau au fond d’un vallon et grimpèrent durant deux milles dans les collines
avant de redescendre vers le bourg fortifié des Pennes.
Maintenant Anna Maria paraissait apprécier la
compagnie de Locksley, riant souvent à ses plaisanteries. Quant à Nedjm Arslan,
il parlait beaucoup mieux leur langue que les autres ne le croyaient et
Bartolomeo, qui l’avait rejoint, lui apprenait des tours d’illusionniste qui
déclenchaient chez lui de bruyants éclats de rire.
En chemin, Hugues de Fer raconta à Guilhem comment
il avait sauvé le Perse du bûcher, et ce qu’il était capable de faire avec sa
poudre noire. Guilhem resta circonspect, ne croyant guère à ce mélange
miraculeux. Mais s’il pouvait facilement allumer des incendies, ce serait
sûrement un avantage pour créer des diversions, dit-il au viguier.
— Sa poudre peut faire beaucoup plus,
intervint Ibn Rushd. Il m’en a décrit les pouvoirs, et je le crois, car j’en
avais entendu parler. Malheureusement il n’en a qu’une petite quantité, mais il
m’a assuré qu’il sera facile d’en fabriquer s’il a suffisamment de soufre.
Aussi j’en ai fait charger un sac sur ma mule.
Il ajouta que le Perse avait facilement accepté de
se joindre à l’expédition, tant il avait hâte de quitter Marseille, et les cent
sous d’or que Hugues de Fer lui avait promis avaient balayé toutes ses
craintes.
C’est à l’occasion d’une halte que le viguier
raconta ce qu’il savait sur la mort de Madeleine et l’enlèvement de Roncelin.
Toutefois, il ne parla ni du mystérieux moine à la bague ni des agresseurs de
Guilhem, jugeant que cela ne concernait ni les jongleurs ni le Perse. Ils
discutèrent ensuite de la façon dont ils pénétreraient dans le château des
Baux, et sur ce qu’ils feraient ensuite, chacun proposant des améliorations au
plan initial. Anna Maria et Bartolomeo apportèrent de leur côté des précisions
sur ce qu’ils avaient observé dans la forteresse.
C’est lors d’une autre étape, tandis qu’ils
s’apprêtaient à descendre vers le village des Pennes dont on apercevait les fortifications,
que Locksley interrogea Anna Maria sur la prison des Baux.
— Ce sont des cachots creusés dans la roche
et fermés par une porte ferrée dont un chevalier a la clef. Ils sont près de la
cuisine mais ils doivent être profonds, car je n’ai entendu ni soupirs ni
plaintes.
— Il nous faudrait cette clef, intervint Fer.
Qui est ce chevalier ?
— Raimbaud de Cavaillon. C’est le lieutenant
de Hugues quand Castillon n’est pas là, m’a-t-on dit. Je ne l’ai vu qu’au
souper, quand nous avons fait notre spectacle. C’est un homme taciturne mais sa
femme Dulceline est plus loquace que lui et m’a posé des questions sur Rome.
C’est elle qui m’a confié que son mari garde les clefs du château dans leur
chambre. Ils logent au premier étage du logis des chevaliers.
— Vous m’avez dit qu’il y a quatre
chevaliers ?
— Il y en a peut-être plus, mais je n’en ai
vu que quatre. Martial d’Arsac et Foulque Chabrand logent au deuxième étage de
ce bâtiment, avec des serviteurs. Quant à Arnaud de Coutignac, le plus âgé, lui
et sa femme Sibille habitent à côté de Raimbaud de Cavaillon.
— Comment entre-t-on dans ce logis des
chevaliers ? demanda Guilhem.
— Le château est construit autour d’un éperon
rocheux qui a servi de carrière. Ce rocher est troué de salles, de citernes et
de couloirs où nous ne sommes jamais allés. Le logis des chevaliers, où
habitent aussi le bayle et le chapelain – un nommé Basile –, a été
édifié sur des arcades, devant la cour d’entrée, et comporte deux étages.
L’entrée est dans l’une des arcades, mais il y a sûrement un autre passage vers
le donjon.
— Les Baussenques affirment descendre du roi
mage Balthazar,
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