Marseille, 1198
salle
accolée au four à pain. Il y avait du foin comme seul couchage et des sacs de
grains entreposés le long d’un mur, ce qui réduisait encore la place.
— C’est le seul endroit où je peux vous
mettre, fit le chevalier d’un ton bourru. Nous sommes serrés. Si vous avez
faim, descendez aux cuisines, vous savez où elles se trouvent. Vous pourrez
sortir pour vous occuper de vos montures et circuler où vous voulez dans le
château, mais sans pénétrer dans aucun bâtiment. Ici, la seule sanction à la
désobéissance est la pendaison.
À peine était-il sorti que Guilhem demanda :
— Qui était ce géant avec le seigneur des
Baux ?
— Monteil. On ne le voit qu’au souper, car il
ne quitte jamais le seigneur. On m’a dit qu’il était un bâtard des Baux, fils
d’une esclave sarrasine.
— On nous a aussi rapporté, ajouta
Bartolomeo, que lorsqu’un serviteur commet une faute grave, on rassemble les
gens du château en haut des murailles. Monteil se saisit alors du coupable, le
soulève à bout de bras et le précipite en bas où il se brise sur les rochers.
Ils s’installèrent, se faisant des paillasses avec
leurs couvertures, tandis que Guilhem songeait au géant à la masse d’armes qui
serait peut-être une difficulté supplémentaire. Leur logis était glacial, car
le four n’était pas allumé et le vent entrait par une ouverture sans volet.
Anna Maria se fit une couche à l’écart des deux hommes, puis ils se rendirent à
l’abri à chevaux où ils avaient laissé le reste de leurs bagages et leurs
instruments de musique.
Ils nourrirent et nettoyèrent les bêtes avant
d’aller dans la cuisine où on leur servit une épaisse soupe et du pain de
seigle. Les deux Italiens entreprirent ensuite de faire visiter les lieux à
Guilhem.
De la cour au bâtiment à arcades partaient deux
étroites ruelles. La ruelle cadastrale – la plus large – séparait le
corps de logis des chevaliers et la maison du four. Elle conduisait aux salles
souterraines, aux cachots et aux cuisines. La seconde ruelle, parallèle,
passait entre le four et une salle en contrebas où mangeaient les gens du
château. Par des cheminements dans des celliers et des volées de marches, cette
ruelle conduisait à la haute cour dont un angle était fermé par la tour carrée
qu’on appelait la tour Paravelle.
À l’extrémité de cette cour, exposée aux vents du
nord, serpentait un passage en partie couvert qui longeait la muraille et
permettait de se rendre dans la grande salle basse du donjon. Le long de ce
passage se trouvaient les latrines, un petit édifice surplombant l’enceinte
avec des sièges de pierre et des portes qui autorisaient l’intimité. De là
grimpaient aussi des marches creusées à flanc de rocher qui permettaient
d’atteindre la terrasse rocheuse surplombant la forteresse. Comme on ne leur
avait pas interdit de s’y rendre, ils montèrent cet escalier, car Guilhem
voulait tout connaître.
En haut, un chemin de ronde serpentait jusqu’à la
petite tour de garde portant l’étendard rouge à la comète aux seize rayons. Ils
aperçurent aussi une seconde bannière de couleur verte, qui n’y était pas quand
ils étaient arrivés.
Guilhem s’approcha d’un des gardes qui surveillait
l’horizon et lui demanda ce qu’elle signifiait. L’autre lui répondit que
c’était un signal pour le château de Castillon qu’il lui désigna au loin.
De cet éperon, constata Guilhem, on dominait la
plaine en contrebas et on pouvait voir tout mouvement de troupe. Il se fit
expliquer les sites qu’on apercevait : au sud les marais, avec la voie
aurélienne, et à l’ouest le vallon de l’Arcoule que l’on appelait le val
d’Enfer. Les gardes lui expliquèrent que la vue sur le nord était meilleure par
la tour Paravelle, mais que son accès était interdit aux visiteurs.
Le froid était vif, car le vent était violent à
cette hauteur. Ils redescendirent se réchauffer aux cuisines. En chemin, Anna
Maria montra à Guilhem la porte de fer qui conduisait à la prison. Elle
paraissait indestructible. En bas régnait une grande animation, car le souper
avait commencé dans la grande salle du château. Une cuisinière, qui surveillait
la cuisson des soupes, lui dit :
— D’autres voyageurs viennent d’arriver, on
dit qu’il y a un médecin. C’est un vrai miracle ! Peut-être pourra-t-il
guérir notre maître.
Chapitre 20
I ls
n’avaient rencontré personne en
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