Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
Vom Netzwerk:
quand Guilhem entama un chant de guerre pour lequel il rythmait le fracas
des armes par des sons stridents de sa vielle. Son chant se termina avec
l’entrée d’Anna Maria, et le cœur de Locksley se mit à battre plus fort.
    Lors de sa dernière visite au château, l’Italienne
avait constaté que les gens des Baux étaient peu portés sur la musique et la
poésie. Elle avait donc choisi de chanter l’épopée de Roncevaux, qu’elle
rythmait au psaltérion, tandis que Guilhem, avec sa vielle, interprétait une
musique de fond.
     
    Vieille chanson vraie, veuillez ouïr
    De grande histoire et merveilles pris
    Ô Roland, que par toi mon bras soit
vainqueur !
    Dirige le fer de ma lance
    À percer le front ou le cœur.
    Du fier ennemi qui s’avance.
    Que son sang, coulant à longs flots
    De ses flancs ou de sa visière,
    Bouillonne encor sur la poussière,
    En baignant les pieds des chevaux.
     
    En tournant la manivelle de l’instrument, Guilhem
observait les convives qui attendaient les confitures de fruits et de miel.
Castillon avait trop bu et sa face était écarlate. Il ne cessait de jeter des
regards salaces à Baralle qui feignait de les ignorer en parlant amicalement à
Robert de Locksley, ce qui avait pour effet d’attiser la rage et la passion du
demi-frère de Hugues. C’est que Baralle avait baissé le voile qui lui couvrait
la tête et les épaules, et son corset, lacé serré, révélait d’opulents
avantages laiteux.
    Pourtant, comme Anna Maria déclamait une bataille
d’une voix déchirante, tirant de son psaltérion des sons rauques et violents,
Castillon se désintéressa brusquement de sa voisine pour s’intéresser à celle
qui chantait. À son tour, Anna Maria eut droit à des regards enflammés. Quand
elle s’en rendit compte, elle se tourna vers Locksley, comme pour lui demander
de l’aide. Mais constatant la bonne entente du Saxon avec sa voisine, la jeune
Italienne s’assombrit et baissa les yeux sur son instrument. En même temps, sa
voix diminua et Guilhem, qui n’avait rien perdu de ces échanges muets, eut l’impression
qu’elle allait fondre en larmes.
    Il augmenta alors la cadence du rythme de sa
vielle jusqu’à étouffer le son du psaltérion, puis reprit le chant avec
violence. Bartolomeo, qui avait aussi remarqué, sans la comprendre, la brusque
tristesse de sa sœur, commença une série de roues et de cabrioles en faisant
tinter son bonnet à clochettes.
    Guilhem jugea que l’instant était favorable pour
attirer l’attention de Castillon et donner à réfléchir à Anna Maria en
discourant de l’amour courtois qu’on louait tant à la cour de Saint-Gilles.
    — Dames et seigneurs, déclama-t-il en cessant
de jouer, secrètement plusieurs d’entre vous courtisent ou sont courtisées.
(Son regard circula dans l’assistance, pendue à ses lèvres.) Mais la dame
courtisée est parfois mariée et l’angoisse s’ajoute au désir à cause des jaloux
malveillants, poursuivit-il en prenant un air complice. Je vais vous conter
l’histoire d’un pauvre baladin qui aspirait à la dame de son seigneur. Il la
célébrait dans ses chansons, et elle avait pour lui beaucoup d’égards, lui
faisant dans toutes les occasions les réceptions les plus honnêtes. Ces
accueils gracieux redoublaient ses espérances. Il mourait de désir et de
crainte, n’osant ni la prier d’amour ni même laisser croire qu’il aspirât à
elle, tant il redoutait sa vertu.
    Considérant lentement l’assemblée, il tira
quelques notes de sa vielle, s’attardant à peine plus sur les dames qui lui
souriaient, et se mit à fredonner au son de la musique :
     
    Tu me rejettes si durement,
    Moi qui ai fait serment,
    De t’aimer ma vie durant…
     
    Il cessa de jouer et poursuivit :
    — Ne pouvant résister plus longtemps à
l’envie de lui parler de ses sentiments, notre baladin demanda un jour conseil
à son amour sur la manière dont il devait se comporter envers une dame
vertueuse, qu’il craignait autant qu’il l’aimait. « Madame, aidez-moi de
vos conseils dans l’embarras où je suis. Je couve un amour si noble et si haut,
que je n’ose découvrir ma peine à celle qui la cause », dit-il d’une voix
larmoyante qui fit sourire les femmes.
    » La dame, qui avait pénétré ses intentions,
lui répondit : “Il ne faut pas être trop timide. Si celle dont vous
recherchez l’amour est bonne et sage, elle n’aura point d’égards à la
disproportion entre vous et

Weitere Kostenlose Bücher