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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dangers des maillots de bain. Lui aussi sent revenir l’été, et toutes ses menaces.
    — Arrête, tu vas me donner mal au cœur.
    Sous leurs yeux, dans la rue de la Fabrique, de nombreuses personnes
    convergeaient
    vers
    la
    cathédrale.
    La
    cérémonie de trois heures commencerait bientôt, les cloches laissaient entendre un chant lugubre.
    — Tu vas donc passer tout l’été avec nous ?
    — À la suite d’un long échange de lettres, le Jeffery’s Hale veut bien considérer qu’après deux ans d’études de médecine, je vaux une infirmière.
    —Là, tu crées une attente chez maman.
    —Que je fasse comme toi? Que plus tard je devienne ta voisine, et la sienne bien sûr?
    Le garçon hocha la tête, puis il proposa :
    —L’air de ta chambre est bien propre, maintenant.
    Fermons la fenêtre, sinon tu vas attraper la grippe. Tu te souviens du dicton : « En avril, ne te découvre pas d’un fil. »
    À plus forte raison un 2 avril.
    —Ah ! Je retrouve mon grand frère protecteur.
    Peu après, ils poursuivaient leur conversation, elle étendue sur son lit, lui affalé dans le vieux fauteuil élimé, au siège un peu défoncé.
    —Lan prochain, je ne reviendrai peut-être pas à Québec, confia l’étudiante. Cet été, je serai simplement préposée aux malades. Alors, ici ou ailleurs, cela se vaut.
    Mais bientôt je devrai aller là où on me proposera les meilleures occasions d’apprendre.
    —En avril 1921, tu expliqueras les dures réalités de l’apprentissage de la médecine à maman. Elle comprendra.
    Je serai heureux de ta présence pendant ces quelques mois.
    Thalie le remercia d’un sourire. Sa chambre donnant sur la rue de la fabrique, la présence de son grand frère, tout cela avait un côté apaisant.
    —Tu me racontes ta matinée, décida-t-elle. Tu avais un rendez-vous galant, je pense.
    —Avec une petite fille de douze ans terriblement meurtrie.
    Au cours des derniers mois, dans ses lettres, l’étudiant en droit l’avait mise au courant des grandes lignes de l’affaire.
    —Elle comparaîtra ?
    —Certainement. Mon patron hésitait, car les enfants sont des témoins imprévisibles. Mais là, l’avocat de la défense l’appellera à la barre, de toute façon. Nous devons absolument prendre les devants.
    — Veux-tu dire qu’elle contredira la version de ses parents ?
    — Je ne sais pas encore. Demain, je passerai une partie de l’après-midi avec elle. J’espère qu’elle voudra dire la vérité.
    La jeune fille resta songeuse un long moment, les yeux perdus dans ceux de son frère.
    — Tu imagines la dose de courage qu’il lui faudra ?
    murmura-t-elle.
    — Je devine à peu près. La situation semble encore plus embrouillée que toutes nos supputations mises ensemble.
    — Cette fillette te touche profondément, n’est-ce pas ?
    Le jeune homme se réfugia dans le silence. Depuis février, il ne se passait pas une heure sans que les grands yeux bruns et la bouche gercée ne lui reviennent en mémoire.
    — Nous sommes dans la même situation, elle et moi.
    Nous portons en nous des souvenirs insupportables. C’est un poids qui nous enfonce, quand vient le temps de nager pour regagner la rive.
    L’image donna un frisson à la jeune fille. Son frère semblait plus serein que l’été précédent. Toutefois, selon ses propres mots, il cherchait encore comment reprendre pied dans la réalité de cette petite ville de province. Son face-à-face quotidien avec l’horreur domestique rendait-elle la démarche plus périlleuse encore ?
    — Mais elle a la moitié de mon âge, continua-t-il. Te rends-tu compte combien cela doit être difficile pour elle ?
    Les confidences paraissent lui coûter, comme si en disant la vérité, elle devait assumer le mauvais rôle dans cette histoire, ou au moins l’un des mauvais rôles. D’un autre côté, si je ne sais pas tout, je ne pourrai pas la préparer à l’audience. Cela pourrait devenir terriblement dévastateur pour elle.
    Thalie hocha la tête. Au milieu d’une foule, avec une meute de journalistes, des hommes expérimentés tenteraient de lui
    extirper
    des
    informations
    servant
    les
    intérêts
    de leur cause.
    — Dans une lettre, tu as dit que les parents justifiaient les châtiments infligés en invoquant l’impureté de la petite Aurore.
    — Tu imagines ? La battre à coups de manche de hache pour ça.
    — Ce «ça», comme tu dis, les curés en sont passionnés, au point d’en parler sans cesse en chaire, dans

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