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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans le vif du sujet.
    — Tu crois que tu seras bien, ici ?
    — C’est mieux que l’orphelinat d’Youville, je pense.
    Déjà, elle puisait dans ses malheurs passés pour se rassurer sur ceux à venir.
    — Je crois aussi, sincèrement. Tu vas rentrer, mère Saint-Emilien t’attend là-bas. Si je reviens demain au début de l’après-midi, tu me parleras ? Nous nous installerons sur le même banc.
    — Oui, je veux bien.
    Ils revinrent ensemble vers le perron. La directrice esquissa l’ombre d’un sourire. Ce garçon savait respecter les consignes.
    — Demain, je serai là vers une heure, si cela te convient, précisa-t-il devant la religieuse.
    La fillette acquiesça de la tête. Comme il s’y attendait, la directrice précisa :
    — Dans les circonstances, nous lui permettrons de rater la classe.
    — Je vous remercie, ma mère.
    Après un salut de la tête à Marie-Jeanne, Mathieu regagna son traversiez

    *****
    Le Vendredi saint n’était pas un congé férié, mais dans tous les commerces, certains usages prévalaient. Chacun affectait une mine un peu défaite, comme si le glas prévu pour trois heures sonnait pour un parent. Quand Mathieu pénétra dans la boutique ALFRED, il y découvrit une atmosphère peu conforme à la tradition.
    Thalie se tenait au milieu de la grande pièce du rez-de-chaussée, sa valise posée à ses pieds, entourée de sa mère, de Françoise et d’une vendeuse.
    — Seul le Jeffery’s Hale semble disposé à endurer ma présence dans ses murs. Pour un salaire ridicule, je pourrai manipuler des bassines tout l’été.
    — Comme je suis contente, s’exclama sa mère en la pressant contre elle, au risque de faire tomber son joli chapeau de paille tout neuf.
    Pour Marie, cela voulait dire de longs mois avec sa fille, sa présence dans l’appartement toutes les nuits, à sa table pour au moins deux repas par jour. Surtout, déjà elle espérait la voir s’établir dans la ville au terme de ses études.
    — Et voilà mon grand frère infidèle ! s’exclama Thalie en se tournant. Viens me faire la bise, déserteur.
    — Je t’ai téléphoné pour te dire...
    — Un déserteur qui avertit un peu d’avance, c’est un peu moins décevant, j’en conviens. Tout de même, moi, faible femme, j’ai dû porter ce lourd bagage...
    Pour la faire taire, Mathieu la serra contre lui, lui appliqua une bise sonore sur la joue.
    — C’est à cause de cette fameuse affaire, murmura la mère pour excuser son aîné. C’est si triste, tu sais.
    La jeune fille retrouva son sérieux pour répondre :
    — Mais, maman, je me moquais un peu de lui, c’est tout.
    La Presse a fait état de ce couple Gagnon. Tu vois, moi, je vais manipuler de simples bassines. Les excréments des malades me paraissent sentir moins mauvais que certains de nos semblables. Lui, il fréquente de vraies crapules.
    La répartie laissa les autres bouche bée. Comme une cliente s’avançait vers la caisse en fixant des yeux interrogateurs sur le groupe, la jeune fille conclut:
    — Je vais monter tout de suite, pour vous permettre de travailler. Frérot, je te laisse t’occuper de ma valise. Viens me raconter les derniers mois.
    Difficile de se dérober à une invitation aussi péremptoire.
    Le jeune homme fit exactement comme on le lui disait.

    *****
    Dans l’appartement, Gertrude vint chercher sa part de câlins et de sourires, puis elle laissa le frère et la sœur se réfugier dans la chambre de cette dernière. Mathieu plaça la valise sur le lit, puis il vint s’asseoir près de la fenêtre grande ouverte.
    — Tu vas faire geler la maison, observa-t-il.
    — Je vais renouveler l’air, tu veux dire. La cuisinière au charbon maintient une chaleur moite dans toutes les pièces.
    Savais-tu que l’air vicié peut provoquer bien des maladies, notamment la tuberculose ?
    — Non, mais je sens que je vais apprendre un tas de choses, si tu passes tout l’été avec nous.
    La jeune fille éclata de rire en posant ses coudes sur le bord de la fenêtre.
    — Je dois être un peu comme un jeune prêtre, désireux de convertir tout le monde. De plus en plus, les médecins découvrent qu’une vie saine, active, du soleil et de l’air pur sont des armes efficaces pour prévenir la maladie. Les Canadiens français meurent en trop grand nombre...

— Tu évoques le sport, le plein air. Tu sais bien que le culte du corps multiplie les occasions de pécher. Si tu entendais les sermons de monseigneur Roy sur les

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