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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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victime.
    — Bonté divine ! laissa tomber son interlocutrice.
    Mathieu s’en voulait un peu de la tournure trop théâtrale de son exposé. Avec cette femme, il ne savait quelle contenance adopter.
    — Chaque fois que Marie-Jeanne aborde le sujet, expliqua-t-il, elle recule aussitôt, honteuse et coupable.
    — Et votre sœur dans tout cela ? En quoi son retour à Montréal concerne-t-il cette histoire ?
    — Elle a été une petite fille de douze ans, pas moi.
    — Vous pensez qu’elle attirera les confidences plus facilement.
    Le jeune étudiant en droit hocha la tête gravement. Sa conversation de la veille avec Thalie hantait son esprit.
    — Et avec moi, elle ne livrerait pas ses secrets ? tenta la religieuse.
    — Sans vouloir être indélicat, votre habit crée une barrière.
    Personne ne peut vous regarder et imaginer l’adolescente troublée que vous avez peut-être été un jour. Cette gamine a besoin d’un miroir, pas d’une incarnation de la rectitude morale.
    La religieuse, pensive, accusa le coup.
    — Eh bien, avoua-t-elle, je me dis qu’un verre de ce cordial ne me ferait pas de mal.

    — Mon silence complice vous est déjà acquis.
    — Je dominerai tout de même cette envie. Douter de mon... humanité est en effet indélicat, pour reprendre votre mot. — Ne me prêtez pas ces mots, ce serait injuste. J’ai évoqué votre habit, sa symbolique, et ce dont Marie-Jeanne a besoin.
    La femme hocha la tête, garda le silence encore un long moment.
    — Et, selon vous, votre sœur saura la rassurer.
    — Je crois seulement en l’utilité d’essayer. Si vous le permettez, nous verrons le résultat.
    — Quelles sont ses... qualifications pour un travail de ce genre ?
    — Vingt ans, jolie, étudiante en seconde année de médecine, résolue en diable, déterminée à faire ce qu’elle croit juste en dépit de l’opinion des autres.
    Il n’osa pas conclure : « En un mot, elle incarne tout ce qui inquiète l’Eglise catholique. » Son interlocutrice pouvait le faire elle-même.
    — Etudiante en médecine ?
    — A McGill. Comme vous le savez, les établissements de langue française...
    — Oui, je sais. Sauf en revêtant un costume comme le mien, nos compatriotes ne peuvent mener une carrière.
    Un nouveau silence s’installa entre eux, plus lourd et plus long que le précédent. A la fin, la directrice capitula.
    — Revenez demain avec votre sœur. Je fais confiance à votre discernement. Votre désir d’aider cette pauvre fille me paraît sincère, je m’en remets à votre sagesse.
    Mathieu posa son verre sur le bureau devant lui. En se levant, il déclara, une certaine émotion dans la voix :

    — Ma mère, je vous remercie pour cette conversation franche. Je vous remercie aussi de me faire confiance.
    Marie-Jeanne va s’engager dans une épreuve. Mon seul désir est de l’y préparer le mieux possible, afin qu’elle ne souffre pas trop ni pendant ni après.
    — Je sais. Maintenant, je dois vous chasser.
    Ils se quittèrent sur des vœux réciproques de bonne soirée.

    *****
Mathieu fit un crochet par l’appartement de la rue de la Fabrique afin de mobiliser sa sœur pour la rencontre du lendemain. Comme il sortait après avoir salué tout le monde, Françoise l’arrêta.
    — Attends, je vais t’accompagner jusqu’en bas.
    Chaque fois que son ancienne fiancée demandait une rencontre discrète,
    c’était
    pour
    faire
    une
    mise
    au
    point
    troublante. Le jeune homme effectua le trajet avec un pli inquiet au front.
    La jeune femme demeura silencieuse jusqu’au rez-de-chaussée, cherchant ses mots.
    — Demain soir, murmura-t-elle enfin, tu devrais venir avec Flavie.
    — Je ne sais pas...
    — La situation devient ridicule, tu ne trouves pas ? Nos parents se sont mariés, nous formons une famille. Cette personne fait partie de ta vie maintenant et Gérard, de la mienne. Malgré cela, nous faisons des efforts pour qu’ils ne se rencontrent jamais.
    Selon elle, il convenait d’abandonner le rôle des anciens promis.

    — Tu as raison, Françoise. Je lui parlerai en ce sens. Si elle ne vient pas, ce sera à cause de ses propres engagements familiaux, rien d’autre.
    Sur ces mots, il se pencha pour lui embrasser la joue.
    Cela constituait le premier contact physique entre eux depuis des mois.

    *****
Le lendemain, en pénétrant dans l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance, ils trouvèrent Marie-Jeanne dans la pièce attenante à la cellule de la portière.
    —

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