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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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trouva la formulation un peu étonnante, elle ne broncha pas.
    — Ma mère, continua le visiteur, après avoir rencontré mon supérieur, je reviendrai, cette fois pour préparer mon amie au procès proprement dit.
    — Vous serez le bienvenu.
    Elle aussi, par souci de discrétion, s’éloigna un peu.
    — Marie-Jeanne, nous nous reverrons bientôt, enchaîna t-il en se penchant vers elle.
    — A bientôt.
    Une bise entre eux heurterait les convenances. Ils s’en tinrent à un long regard. Puis, elle pressa le pas en direction de la porte de l’institution, afin de marcher juste un peu en retrait de la religieuse, pour exprimer sa déférence. En pénétrant dans l’hospice, la directrice lui tira un sourire avec quelques mots.

    *****
    Dans la rue, Mathieu offrit son bras à sa sœur.
    — Nous pouvons retourner au quai à pied. Le chemin descend tout le long.

    — Si tu veux. Une bien curieuse personne, cette religieuse.
    — Elle m’a fait une singulière impression, hier. Etrange à ce point, elle pourrait compter parmi notre famille.
    — C’est peut-être la jumelle de Gertrude. Elles ont certains points en commun.
    Le jeune homme secoua la tête en riant, un peu étonné de la répartie, tout en y trouvant une certaine vérité. Ils avaient parcouru la moitié du chemin quand il demanda enfin :
    — Tu vas me dire quelque chose, sur ta conversation ?
    — J’essaie de mettre un peu d’ordre dans tout cela, faire la part des confidences entre filles et les choses susceptibles de t’être utiles... Il existe une première facette toute simple : les petites filles, avec la participation des deux garçons de la marâtre, se sont livrées à des jeux sexuels.
    — Des choses qui feront perdre connaissance aux membres du jury ?
    — Sait-on jamais avec nos compatriotes ! De mon point de vue, rien de bien méchant. Si nos parents nous avaient découverts à faire cela, au pire nous aurions eu droit à un petit reproche, puis à une bise accompagnée d’un souhait de bonne nuit, avant de regagner notre chambre.
    Ce rappel de l’atmosphère familiale, quinze ans plus tôt, amusa Mathieu.
    — Chez les Gagnon, supputa-t-il, la chose n’a sans doute pas reçu un traitement si... bénin.
    — Aurore a été battue comme une bête, Marie-Jeanne a échappé à cela en prenant la fuite.
    — Les garçons ? demanda-t-il encore.
    — Dans ces histoires, les garçons s’en tirent sans mal, grogna Thalie. Dans ce cas-ci, Georges a dénoncé les filles pour bien se faire voir de sa mère. Il a quel âge, celui-là ?
    L’étudiante en médecine ne pouvait s’empêcher de faire une généralisation.
    — Neuf ans, je pense. Il les dénonçait! Si jeune, et déjà un gentilhomme.
    L’ironie de Mathieu tira un sourire à sa sœur. Arrivés au quai, ils montèrent sur le traversiez Réfugié un peu à l’écart sur le pont supérieur, accoudé au bastingage, le duo put reprendre le fil de la conversation.
    — Tout à l’heure, tu évoquais une seconde facette, rappela le jeune homme.
    — D’abord, Marie-Jeanne se montre affreusement honteuse de s’être
    faite
    la
    complice
    des
    machinations
    de
    sa
    belle-mère. Mais à ses yeux, son crime le plus odieux consiste en ces jeux sexuels survenus alors que ses parents se trouvaient à la messe.
    — Elle partage donc l’obsession de nos curés.
    Evidemment, le sujet reviendrait sans doute dans les débats au procès. Francœur chercherait à rendre légitime les mauvais traitements infligés par les parents, en clamant la nécessité de mater les bas instincts d’Aurore.
    — Tu as dit « d’abord », il y a donc un « ensuite ».
    — Elle a chassé Aurore de son lit pour mettre fin à ces activités coupables. En réalité, je crois qu’elle a multiplié les accusations d’impureté contre sa sœur pour se faire bien voir de la belle-mère. Des accusations pas toujours fondées.
    Chaque fois, la petite sœur recevait une sévère raclée.
    — Elle tenait à rejoindre le groupe des bourreaux, sans même que les parents le lui demandent, sans doute. Je connais, j’ai expérimenté ce genre de situation à l’Académie commerciale de Québec.
    Thalie serra son bras de la main, lui adressa un sourire ému.
    — Toi, tu as su te débarrasser des bourreaux sans te joindre à eux.
    — Ils ne m’avaient pas adressé d’invitation en ce sens, tu sais. À leurs yeux, mon rôle était sans équivoque.
    Mathieu se perdit brièvement dans les réminiscences de ses

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