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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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enchaîna-t-elle en dévisageant la jeune fille. Que se passe-t-il ? Tu sembles sur le point de te faire arracher une dent.
    — Je me sens tellement intimidée, avec ces gens. Je suis sotte et déplacée.
    — Parce que tu es secrétaire et nous des marchands ?
    — Il y a le député aussi, et ses filles. Puis, vos enfants vont à l’université tous les deux...
    Elle venait de rappeler l’existence d’une pente abrupte entre la haute et la basse ville. Gertrude se releva pour mieux suivre la conversation. La discrétion ne figurait pas à la liste de ses qualités.
    — A ton âge... non, en réalité, j’étais un peu plus jeune, j’ai été secrétaire de Thomas Picard un certain temps, dans le bureau que tu occupes aujourd’hui. Je suppose que tu tapes sur le même vieux clavigraphe...
    Flavie acquiesça de la tête. Mathieu avait déjà évoqué cela devant elle.
    — Je crois avoir convenu à mon premier mari, continua Marie, un commerçant. Mon second mari ne m’a pas encore fait de reproche au sujet de mes origines. Il vient de Rivière-du-Loup : si tu grattes un peu ses chaussures, tu reconnaîtras l’odeur du fumier. Il a été élevé dans une ferme. Comme mes enfants sont sortis de mon ventre, il serait ironique de les voir lever le nez sur moi aujourd’hui, n’est-ce pas? Ou sur toi, ce qui reviendrait au même.
    — Mais ces filles...
    — Françoise et Amélie ? Pourquoi te préoccuper d’elles ?
    Si ton histoire avec Mathieu se termine au pied de l’autel, tu partageras le lit de ce dernier, pas celui de l’une de ces donzelles.
    La jeune fille rougit à l’évocation de ce futur.
    — Tu comprendras sans doute un jour que l’endroit d’où l’on part pèse finalement moins lourd que celui où l’on s’arrête.
    Alors, retourne dans la pièce à côté, pose tes fesses dans le fauteuil que je viens de quitter et fais semblant d’être parvenue jusque-là. Si tu as l’air convaincue, les autres te croiront.
    A la limite, tu peux même demander un cognac à Paul. Un peu grise, tu verras, les gens paraissent s’élever moins haut.
    Flavie, un long moment perplexe, se dirigea vers le salon.
    La domestique renifla un bon coup avant de dire :
    — Tu parles bien. Moi, je suis passée de la cuisine d’Euphrosine Picard à la tienne.
    — Cela représente un assez bel accomplissement.
    — Je le pense aussi. A elle, je n’aurais jamais dit: «Va mettre le couvert, je sors le jambon du four dans un instant. » Elle m’aurait battue à coups de canne.
    Marie lui adressa plutôt un sourire.

    *****
Dans la pièce voisine, Flavie s’installa dans le fauteuil en confessant :
    — Selon Gertrude, je ne vaux rien dans une cuisine.
    — Cela me rassure, ricana Thalie le nez dans son verre, au moins elle traite tout le monde de la même façon.
    — Moi, c’est tout juste si elle me permet de faire bouillir de l’eau, renchérit Françoise.
    Le petit mensonge de la visiteuse devenait un sésame.
    —
    Voulez-vous boire quelque chose? demanda Paul.
    La toux sèche de la fille de la maison, de même que la grimace après chaque gorgée de cognac, incitèrent l’invitée à choisir un alcool moins fort.
    —
    Un sherry, peut-être...
    —
    Laisse, je vais m’en occuper, dit Mathieu en se levant.
    De son côté, Thalie ressassait encore son passage un peu bouleversant à l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance. Une légère ivresse l’aiderait à oublier.

    Chapitre 17

    En après-midi, le 11 avril, Flavie salua la maisonnée recomposée des Dubuc et des Picard, accepta en rougissant de plaisir les invitations de Marie et d’Amélie de «revenir bientôt», car elle les savait sincères. Sur le trottoir, en prenant le bras de Mathieu, elle affichait un sourire rassuré.
    — Tu me parais bien satisfaite, remarqua son compagnon.
    — Ta mère est vraiment gentille, tout comme ta sœur, la semaine dernière.
    L’opinion des autres lui importait peu. Deux dimanches d’affilée, elle avait affronté les proches de son compagnon, la seconde fois plus à l’aise que la première.
    — Je te le disais, tu n’as aucune raison d’hésiter à venir dîner chez moi.
    A la longue, l’habitude chasserait toutes ses appréhensions.
    — Cette semaine, ce sera le vrai procès ? demanda-t-elle, désireuse de changer de sujet.
    — Oui, à compter de mardi, je passerai tous mes après-midi au palais de justice, et aussi les matinées, où je pourrai m’absenter de mes cours.
    — C’est tout

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