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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans la main tout en le remerciant.
    — Bonsoir, les jeunes, déclara-t-il en les voyant franchir la porte.
    La température avait baissé de deux bons degrés depuis quarante minutes. Sur le trottoir, Flavie remonta son col.
    Rue Saint-Jean, son compagnon héla un taxi au passage.
    — Ce n’est pas nécessaire...
    — Si tu veux marcher, libre à toi. Mais moi, je descends et je remonte la côte d’Abraham en voiture, ce soir.
    Elle prit place sur la banquette arrière sans discuter, l’esprit encore bourdonnant des informations emmagasinées.
    — Ces gens... les accusés, on ne les questionne pas? Ils n’auront pas à s’expliquer ?
    — Ce n’est pas à eux de prouver leur innocence. Les accusés ne témoignent pratiquement jamais à leur procès.
    Et d’habitude, ceux qui le font auraient mieux fait de se taire. Cela ne leur porte pas bonheur.
    Comme la présence du chauffeur de taxi les condamnait à se faire discrets, Mathieu tint la main de sa compagne tout le long du trajet. Il descendit de voiture pour enjamber les deux verges jusqu’à sa porte, puis lui posa un chaste baiser sur la joue.

    — Je vais te donner des nouvelles bientôt.
    Alors qu’il revenait dans la voiture, le chauffeur se tourna à demi pour demander :
    — Vous parliez de la petite Aurore ?
    — ... Oui.
    Le stagiaire regretta tout de suite son aveu.
    — Tout le monde en parle, dans la ville. Si je pouvais m’absenter du travail, j’irais au procès. Ils sont coupables, les salauds.
    Là-dessus, l’homme passa en première pour se diriger vers la rue Dorchester. Heureusement pour le couple Gagnon, il ne siégerait pas au jury.

    *****
Le lundi 12 avril, la petite gare de Sainte-Philomène-de-Fortierville bruissait de conversations animées. Pareille affluence, tout à fait exceptionnelle, ne se retrouvait que les jours de pèlerinage, quand le curé, comme un bon pasteur, conduisait son troupeau à Sainte-Anne-de-Beaupré.
    En réalité, il s’agissait ici d’un pèlerinage d’un autre genre. Une paroissienne subirait un procès pour meurtre le lendemain. Vingt personnes prenaient le train à cette occasion, quelques témoins et plusieurs curieux. Au moins le double les accompagnait sur le quai pour leur dire au revoir: on ne s’engageait pas seul pour un si long voyage.
    Exilda Auger, dame Lemay, exultait, certaine que sa déposition, depuis l’enquête du coroner, ramènerait un peu de justice sur cette terre.
    — La garce, elle va danser au bout de sa corde, clama-t-elle au milieu d’une petite cour.

    La localité se divisait en deux camps, largement déterminés par des liens familiaux complexes. Les alliés de Télesphore Gagnon s’égosillaient sur l’arbitraire des fonctionnaires venus de Québec
    pour
    mettre
    leur
    nez
    dans
    les
    affaires des gens. Les autres partageaient un peu ce point de vue, tout en concevant que le cadavre d’une enfant portant cinquante plaies devenait une affaire un peu moins privée.
    — Faire ça à une fillette... aucune punition ne serait trop sévère.
    — Comment ça, une corde ? Ce sont toutes des inventions.
    Selon mon frère, la petite était possédée !
    Madame Albertine Gagnon, demi-sœur de Télesphore, car issue d’un autre lit, se portait à la défense de sa lignée.
    — Elle la brûlait avec un tisonnier ! s’écria Exilda.
    Marie-Anne ne mérite rien d’autre que la potence.
    L’autre paraissait sur le point de sortir ses griffes. Un voisin voué au maintien de l’harmonie paroissiale intervint avec à-propos.
    — Vous irez à l’hôtel Blanchard?
    — ... Oui, dans le bas de la ville.
    — C’est tout près de la traverse, vous y arriverez tout de suite.
    L’intrus voulait prouver qu’il connaissait le grand monde.
    — Des fois, il y a même des spectacles à cet endroit.
    — Je sais, s’impatienta un peu Exilda. J’y ai déjà logé.
    Son interlocuteur acquiesça. Bien sûr, elle-même avait dû se défendre d’une accusation de commerce d’alcool illicite dans ce même palais de justice.

    *****

    En entrant dans le grand immeuble érigé au numéro 12 de la rue Saint-Louis, Mathieu constata tout de suite une affluence exceptionnelle. Depuis l’ouverture des assises criminelles, une semaine plus tôt, les curieux trouvaient de quoi se mettre sous la dent. Pas moins de trois procès risquaient de conduire des accusés à la potence. En plus du couple Gagnon, un homme de Lévis, désireux de «laver l’honneur de la famille», avait

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