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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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banque, intervint Gérard. Les pressions se multiplient
    pour
    nous
    faire
    fermer
    ces
    jours-là.

    Mais comme les principaux actionnaires sont des protestants, moi, je travaillerai demain.
    Son ton traduisait une réelle frustration. Tenait-elle à la première ou à la seconde partie de son énoncé ?
    — La porte de l’église se trouve tout juste en face de celle du magasin PICARD, précisa Mathieu. Les allées et venues des clients doivent désoler les bonnes âmes suffisamment désœuvrées pour faire des dévotions en plein jour. Le silence s’installa de nouveau. L’étudiant prit sur lui de le briser.
    — Je constate l’absence de notre jolie blonde.
    — Amélie a été invitée à souper chez l’une de ses « relations», commenta Paul d’une voix un peu cassante. Je ne me doutais pas...
    — Le jambon du voisin est toujours plus vert que le nôtre, remarqua Mathieu, amusé.
    Thalie dissimula son fou rire dans le creux de sa main, puis quand le père choisit de s’en amuser aussi, elle donna libre cours à son hilarité.
    — Je ne me doutais pas qu’un garçon s’intéresserait à elle au point de l’emmener à un repas familial, continua l’homme après une pause. Je vois des admirateurs dans la boutique, mais là, j’ai été pris par surprise. Remarquez, le petit gars vient d’un bon milieu, il m’a fait l’invitation en rougissant.
    — Ses admirateurs se passionnent depuis septembre pour mon présentoir de mouchoirs en dentelle, expliqua Marie.
    Tous évoquent le désir d’en offrir quelques-uns à leur mère.
    — Les mamans des étudiants du Petit Séminaire et de l’Université Laval se trouvent donc bien mouchées, ricana encore Thalie.

    — Oh ! S’ils paraissent venir du Séminaire, Amélie les abandonne à une autre vendeuse, précisa la marchande. Elle ne s’intéresse qu’aux plus âgés.
    Si Dubuc affectait de s’amuser lui aussi des engouements de sa cadette, son regard marquait une certaine inquiétude.
    Il préféra orienter la conversation dans une autre direction.
    — Mademoiselle Poitras, commença-t-il en se levant, vous ne devez pas être le genre de personne à dénoncer les gens à la Ligue de tempérance, n’est-ce pas ?
    — ... Non.
    La jeune fille en fut interloquée. L’homme ouvrit un petit meuble pour en sortir une bouteille de cognac et une autre de sherry.
    — Vous ne me laisserez pas boire seul, j’espère.
    La remarque s’adressait à toute la compagnie. Comme personne ne répondit, Mathieu déclara :
    — Hier, j’ai accepté un verre de la main d’une religieuse, je ne repousserai pas celui offert par un député aujourd’hui.
    — Elle aussi doit avoir un médecin compréhensif, rétorqua ce dernier. Son confesseur doit se montrer plus rébarbatif, toutefois.
    — Moi aussi, je veux bien un verre, intervint Gérard pour ne pas demeurer en reste.
    Après avoir versé les deux cognacs pour les remettre à ses invités, l’homme demanda encore :
    — Mesdames, je sais bien que ce choix de boissons est un peu étrange avant le repas, mais comme nous vivons sous le règne des «secs», il nous faut faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Je vous sers quelque chose ?
    — Je prendrai aussi un cognac, précisa Thalie devant le regard un peu sévère de sa mère. Je suis une grande personne maintenant. L’été prochain, je vais travailler ailleurs que dans le commerce familial.
    Ce rappel lui attira un sourire bienveillant. Pour avoir confirmé la veille sa présence au Jeffery’s Haie de mai à septembre, l’étudiante bénéficiait de tout un lot d’indulgences maternelles.
    Françoise déclina l’offre.
    — Marie, tu prendras bien un sherry?
    — Non. Je vais aller aider un peu Gertrude à la cuisine, expliqua-t-elle en quittant son siège.
    — Mademoiselle Poitras ?
    — Non, je vais aider madame Picard.
    Déjà, elle se levait aussi. La maîtresse de maison se retourna pour dire «Ce n’est pas nécessaire», mais les yeux troublés de la jeune fille l’amenèrent à se taire. Elles pénétrèrent ensemble dans une pièce embaumant le jambon et les clous de girofle.
    — Tout va bien, Gertrude ?
    La domestique, pliée en deux, regardait à l’intérieur du four.
    — Quand je ne saurai plus me débrouiller avec une fesse de cochon, j’irai au paradis des cuisinières !
    La boutade fit sourire Marie. L’âge ne rendait pas son employée plus amène.
    — Comme je n’ai rien à faire, cela me permet de te dire un mot,

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